J'ai découvert les jeux de rôle à l'âge où l'on commence normalement à s'intéresser aux filles. Il n'y a aucun lien entre ces deux faits, et n'allez pas croire que les premiers furent un palliatif aux secondes. La rencontre fut le fruit d'aléas en apparence si surprenants que l'on pourrait croire qu'il était écrit que ce loisir - atypique en ce temps-là - devait jouer un rôle de premier ordre dans ma vie.
Première rencontre : la curiosité. Mes yeux se posent sur la couverture d'un livre dans une grande surface, un livre qui proposait au lecteur d'être le héros. Sans grande conviction, je l'achète. Première approche : la déception. La lecture fut vite achevée, trop vite. Deuxième approche : la frustration. Un autre livre, puis encore un autre. Tout cela manque tout de même singulièrement de vie !
Deuxième rencontre : l'émerveillement. Des camarades de classe jouent à Donjons & Dragons pendant leurs récréations. Ils m'autorisent à assister à leurs parties. Un jour, les aventuriers délivrent un magicien des geôles d'un château ; le meneur de jeu me tend la fiche. Je jubile.
Troisième rencontre : l'enthousiasme. Notre meneur veut nous faire tester un nouveau jeu qui vient de paraître : L'Appel de Cthulhu. L'affaire tourne en eau de boudin : scénario mal ficelé, esprit du jeu mal appréhendé, partie peu ou pas préparée. Une catastrophe selon les autres joueurs, un don du ciel pour moi ! Je rachète - à bas prix, y a pas de petits profits ! - la boîte au meneur éconduit. Enfin un jeu dans lequel tous mes délires peuvent prendre forme ! Je ne m'y jette pas à corps perdu. Je le lis, le relis, l'observe, le médite, je tâtonne, j'essaie, j'échoue souvent, finis par réussir quelques petites choses.
Quatrième rencontre : le coup de foudre. J'ai dix-huit ans. Je m'inscris dans un club de jeux de rôle. La moyenne d'âge est plutôt élevée : je suis un des plus jeunes. Je fais jouer un scénario, puis un autre ; ils adorent. L'un des joueurs me dit un jour : "tu devrais faire jouer Maléfices, tes scénarios sont parfaitement dans l'esprit". Comment ? Maléfices ? Un jeu pour débutants, très peu pour moi ! Il insiste. Il me fait jouer une partie : Les brasiers ne s'éteignent jamais. Je suis conquis.
Mes dix-neuf ans sont là. Je passe mon bac. Comme les révisions ne m'inspirent guère, je m'évade en écrivant un scénario. Après avoir passé mes épreuves, je le fais jouer à mes amis. Ça plaît. Mais je n'en suis pas totalement satisfait. Je le réécris, une fois, deux fois, trois fois. Puis, coup de folie, je le propose à la revue Dragon Radieux. Quinze jours plus tard, j'appelle Pascaline Chion : ils décident de le publier ! Mais ce numéro ne verra jamais le jour : Dragon Radieux dépose le bilan... et il ne subsiste alors aucune revue dans laquelle j'aimerais être publié.
Vingt ans : un de mes amis me demande de lire le Dracula de Bram Stoker en me conseillant d'en faire une adaptation pour Maléfices. Je le lis. Quelle merveille ! Je me mets à l'ouvrage, fais jouer : on me conseille alors de le proposer à Descartes ! Rien que cela ? On peut toujours rêver... J'appelle Descartes qui me donne le numéro de Michel Gaudo. Que faire ? J'ose ! Lui, aimablement, me dit que Maléfices ne sera peut-être plus publié (le Voile de Kâli a déjà plus d'un an de retard...) ; j'insiste : il accepte de lire mon scénar... Je lui envoie et le rappelle quinze jours plus tard : "J'aime beaucoup ce que vous faites... il faut qu'on se rencontre !"
La semaine suivante, j'étais à Nice.
Mon scénario n'a jamais été publié. D'ailleurs, quand je le relis, quinze ans plus tard, je me dis que c'est peut-être mieux ainsi... Mais ce fut le début d'une longue amitié, entrecoupée, au fil des heurs et malheurs de Maléfices, de quelques "on peut trouver un nouvel éditeur...", de "ça ne pourra plus marcher...", de "on peut faire de la microédition...", de "faudrait peut-être qu'on pense à se lancer...", jusqu'au jour où il y eut ce "faut vraiment qu'on fasse quelque chose, entre nous, pas besoin de s'emm... avec un éditeur"... et ce fut le début de cette belle aventure intitulée Les Éditions du Club Pythagore...
Cette aventure nous a permis de donner une nouvelle jeunesse à Maléfices autour d'une équipe renouvelée. Après la publication de deux scénarios, nous avons permis le retour de ce grand classique dans les boutiques. Quant aux projets... de quoi nous occuper pour de nombreuses années, toujours autour de Maléfices !
Pour en savoir plus :
http://chrysopee.net/index.php?rub=0&art=Affiche_Article&ID=845
http://www.orcidee.ch/radiorcidee/Malefices.mp3
Cette bio a été rédigée entre le 8 mai 2000 et le 8 mai 2009. Dernière mise à jour le 21 avril 2010.