Rubrique : Interviews
Date : 01 novembre 2005
A l' aube du web, à l'heure où les ordinateurs étaient encore dotés de lecteurs de disquettes, et où les rôlistes quittaient difficilement le giron du minitel pour s'égayer sur les forums, quelques jeux amateurs se faisaient déjà une place sur la toile et sur les tables de jeu. Parmi eux, Te Deum pour Un Massacre.
Après bien des éons, le jeu surfe désormais sur la vague actuelle de professionalisation des jeux amateurs et s'installe tranquillement dans les boutiques sous la forme d'un luxueux coffret.
Grog : Te Deum pour un massacre est-il ton premier jeu de rôle publié en édition professionnelle ?
Jean-Philippe Jaworski : Effectivement. Et ce fut à ma grande surprise initialement, car je n'imaginais pas qu'un jeu de rôle historique sur une période si honnie pourrait intéresser un éditeur.
Grog : Pourquoi un tel délai entre l'annonce du jeu et sa parution ? Tu voulais battre le record du module The Temple of Elemental Evil ? Y aurait-il un rapport avec la disparition de Pandora Créations et sa résurrection féline : les éditions du Matagot ?
Jean-Philippe Jaworski : Créer des effets d'attente serait, paraît-il, une bonne stratégie marketing... Plus sérieusement, je pense que l'éditeur serait plus à même que moi de répondre à la question. Te Deum pour un massacre devait en effet être publié par Pandora Créations, et la dissolution de cette maison d'édition suivie de la création des éditions du Matagot par Alexandre Ayoub Bedran ont eu une incidence dans le retard de publication.
Grog : J'ai déjà la version gratuite, téléchargée sur le net. A quels arguments, autres que la dague en travers de ma gorge, vas-tu recourir pour m'inciter à acquérir cette nouvelle version "professionnelle" ?
Jean-Philippe Jaworski : Par rapport à la version téléchargeable, la version professionnelle de Te Deum pour un massacre a été profondément remaniée, corrigée, clarifiée et complétée. Le système de simulation a été fluidifié et enrichi, et se trouve doté d'une présentation beaucoup plus claire que le texte d'origine. Des chapitres complets ont été ajoutés dans les règles : une présentation du jeu de rôle destinée aux joueurs débutants, des développements détaillés à propos de l'armement du XVIe siècle (et de sa modélisation en jeu), ainsi qu'à propos de divers maladies et poisons et de leurs traitements. Au niveau du background, le livre consacré à la vie quotidienne a été complété par un chapitre sur les divergences religieuses entre catholiques et protestants, et sur une liste de prix moyens, échoppe par échoppe, pour faciliter la vie du MJ...
Enfin, c'est surtout au niveau du récit des événements historiques que le complément le plus important a été produit : environ 150 pages ont été ajoutées pour décrire par le menu une dizaine d'années de guerres civiles. L'ensemble est complété par dix synopsis de scénarios, directement inspirés des événements rapportés. J'ai voulu produire une chronique historique précise, pour que le MJ puisse y piocher les situations de ses scénarios sans avoir besoin d'aller chercher par ailleurs. J'y ai toutefois adjoint une bibliographie commentée pour ceux qui désirent se documenter par eux-mêmes. Enfin, l'un des deux scénarios complets fournis avec le jeu est complètement inédit sur l'internet.
A ces arguments, il faut aussi que j'en ajoute d'autres, de nature esthétique et pratique : le coffret du jeu est un bel objet ; les différents livrets rendent son usage aisé en cours de partie par les joueurs et le MJ ; la fiche de personnage, qui n'est pas incluse dans un livret, se prête facilement à la photocopie... Et je garde l'argument décisif pour la conclusion : pour un jeu de rôle de 450 pages, le prix est modique, puisqu'il est fixé à 29?.
Grog : Te Deum est publié dans un format original, tant dans sa taille que dans sa présentation en coffret. Qu'est-ce qui a présidé au choix de ce format ?
Jean-Philippe Jaworski : Ce sont des initiatives de l'éditeur, pour lesquelles il m'a consulté et auxquelles j'ai adhéré. Le coffret donne un aspect luxueux au jeu, et permet surtout de le présenter sous forme de livrets. Cette présentation permet de mieux faire circuler les règles en cours de partie : un joueur qui a besoin de faire les courses de son personnage peut jeter un oeil dans le premier livret, un autre qui crée son personnage peut employer le deuxième, et le MJ peut en même temps conserver les scénarios et les chroniques historiques par devers lui. De plus, le format réduit facilite la manipulation ; or le MJ, au moins, aura pas mal de lecture à faire, ne serait-ce que sur le contexte historique. width="200"
Grog : Qu'as-tu tiré de l'expérience de Te Deum sur le net pour aller vers la version pro ? Des retours des joueurs de la version gratuite ?
Jean-Philippe Jaworski : Grâce aux retours que j'ai reçus, j'ai pu décider ce qu'il fallait absolument garder, ce qu'il fallait modifier et ce qu'il fallait compléter. Ce qui séduisait unanimement les joueurs était le système de création du personnage par QCM, que j'ai donc gardé. J'avais par contre des questions sur les obscurités du système de combat, que j'ai revu pour le rendre plus fluide, mais aussi plus fidèle à l'art de la guerre Renaissance. L'obstacle principal venait du défaut de documentation sur l'époque, ce qui m'a poussé à entreprendre un récit détaillé de l'histoire des années 1559-1572 dans la version commerciale du jeu.
Grog : Le système de jeu de Te Deum a évolué entre la version amateur et la version pro. Peux-tu en dire quelques mots ?
Jean-Philippe Jaworski : La version amateur de Te Deum proposait des caractéristiques chiffrées ; la version professionnelle met en place des caractéristiques descriptives, affectées d'un dé proportionnel à leur niveau. (C'est, en gros, le moteur que j'avais adopté dans Tiers Age.) Alors que dans la version initiale, pour réussir une action, un joueur devait réussir un tirage inférieur ou égal à son score de compétence avec au moins un dé de caractéristique, dans la version professionnelle, le joueur doit atteindre un seuil de réussite en additionnant son dé de caractéristique et son score de compétence. Le personnage se voit aussi doté d'une Grâce initiale, et il peut en acquérir d'autres en gagnant de l'expérience : il s'agit de talents qui permettent à la fois de le typer et de lui donner des avantages dans certains domaines. Le système de combat est à la fois plus fluide et plus précis, et permet tout particulièrement de simuler les spécificités des affrontements Renaissance : les armes à feu sont instables, imprécises à moyenne et longue distance, meurtrières à bout portant ; les règles de charge donnent un aspect dévastateur aux attaques de cavalerie, mais les règles d'allonge permettent à une infanterie dotée d'armes d'hast de résister à des escadrons montés ; les diverses épées employées à l'époque sont détaillées et possèdent des caractéristiques qui les prêtent à différentes formes de combat. (La lansquenette est une arme de mêlée pour fantassin, l'épée d'estoc une arme de cavalerie, la rapière une arme de duel...)
Grog : En terme de chiffres, l'évolution des personnages peut sembler lente à des joueurs habitués à grimper les escaliers des niveaux quatre à quatre. Peut-on penser que dans Te Deum, c'est aussi - ou même surtout - la toile de contacts que tisse le personnage (faveurs gagnées, etc.) qui contribue à faire évoluer la valeur du personnage ?
Jean-Philippe Jaworski : Une question à laquelle je vais répondre en deux points. Tout d'abord, il est indéniable que le personnage débutant n'est pas un surhomme : c'est un Français moyen du XVIe siècle, ce qui implique des faiblesses évidentes, déterminées par deux facteurs : son origine sociale, mais aussi les choix éducatifs faits par le joueur au moment de la création. Mon objectif n'était pas "d'héroïser" les guerres civiles, mais de montrer comment elles ont pu être perçues par des contemporains qui menaient une vie tranquille avant d'être happés par le tourbillon des discordes et des violences religieuses. Le profil des personnages est conçu pour que les joueurs tremblent quand ils entendent pétarader une arquebusade dans un faubourg voisin ou quand ils aperçoivent des fumées noires à l'horizon, pas pour qu'ils s'y précipitent afin d'accumuler des XP...
Ceci dit, chacun dans leur domaine, les personnages débutants ont tout de même des compétences qui leur permettent de se sortir haut la main des situations qu'ils maîtrisent : un spadassin ou un chevalier sont d'emblée redoutables au combat, un courtisan ou un abbé sont armés pour s'insinuer très loin dans la bonne société, un valet ou un larron ont plus d'un tour dans leur sac pour survivre à tous les dangers d'une expérience de rue... Mais il est incontestable qu'un personnage isolé ne pourra faire face à tous les problèmes. C'est tout l'intérêt de la création de groupes de personnages soudés - les binômes maîtres/serviteurs sont particulièrement intéressants, les maîtres bénéficiant des compétences sociales et militaires de l'aristocratie, les serviteurs bénéficiant des compétences pratiques (voire délinquantes) qui permettent les interactions avec l'immense majorité populaire.
Ce qui nous amène au deuxième point : effectivement, Te Deum pour un massacre est avant tout un jeu d'interactions sociales. Le XVIe siècle est le théâtre du déclin tourmenté du système féodal, et de l'émergence fragile du système de cour. Bref, il s'agit de chercher des protecteurs, de cultiver des relations, de rendre des services, de s'entremettre, de comploter, de trahir parfois, et souvent d'être déchiré entre des loyautés contradictoires. L'indifférence, la faveur ou la haine des grands deviennent souvent des moteurs du jeu aussi stimulants que la gestion technique de l'expérience. Et ont effectivement un grand retentissement sur la marge d'action des PJ...
Grog : Y a-t-il des scénarios prêts à jouer dans le jeu de base ? Si oui, peux-tu en dire quelques mots sans en déflorer les mystères ?
Jean-Philippe Jaworski : Il y a deux scénarios prêts à jouer : "Galante affaire" et "Le rimailleur ferraillé". "Galante affaire" mêle les personnages à la tentative d'enlèvement d'une jeune fille par son amant ; mais l'intrigue a priori courtoise dérape complètement en raison de la perfidie d'un Grand et du climat d'instabilité religieuse... "Le rimailleur ferraillé" s'organise autour du massacre en pleine rue d'un petit poète désargenté, sympathique et insignifiant : le malheureux en savait peut-être trop sur ce que fomentent certains consuls et gentilshommes de Lyon...
Grog : Publier un jeu historique, volontairement sans système de magie, avec pour cadre une période jamais traitée en JdR, en voilà, un drôle de défi !
Jean-Philippe Jaworski : Certes ! Et pourtant... Pourtant, à l'usage, il apparaît que les joueurs sont tellement absorbés dans leurs intrigues relationnelles, politiques, voire courtisanes, qu'ils s'y investissent avec autant d'enthousiasme que dans un jeu qui leur donne des pouvoirs paranormaux. Du reste, dans un jeu avec un système de magie, qu'est-ce qu'un sort ou une discipline, sinon une compétence qui permet de se singulariser et d'obtenir des avantages ? Or ces compétences sont bien présentes dans Te Deum, mais elles sont réalistes et historiques au lieu d'être fantaisistes. Au lieu d'utiliser un sort de peur sur le champ de bataille, on fait reculer l'ennemi avec la compétence Intimidation ; au lieu de lancer un projectile magique, on brandit son pistolet à rouet et on brûle la cervelle de l'ennemi ; au lieu de lancer un sort de charme-personne, on emploie les compétences Charme, Pose ou Etiquette...
Certes, il n'y a nul effet pyrotechnique (encore que : les armes à feu de l'époque dégagent une fumée épouvantable, et les pétardiers s'y connaissent en mines à la poudre noire !), mais en termes de liberté d'action, le joueur dispose du même champ ludique. Pas d'effets surnaturels, certes ; mais en définitive, dans les jeux avec un système de magie, les sorts sont définis par une norme surnaturelle qui est aussi cadrée que les compétences réalistes dans un univers historique.
En ce qui concerne l'époque des guerres de religion, il est vrai que c'est une période qui peut effrayer, pour plusieurs raisons. D'abord, il s'agit d'une période noire de notre histoire, que l'on tend à refouler ; ensuite, c'est une période méconnue, d'autant plus méconnue en fait que les programmes scolaires tendent à l'effacer graduellement pour des raisons politiquement correctes. Et justement, c'est ce qui fait son intérêt : c'est un espace historique quasiment vierge à investir. Etonnamment, il possède certains aspects extraordinairement proches de nous (radicalisations communautaire et religieuse, crise économique et culturelle, progrès techniques foudroyants), et d'autres extraordinairement dépaysants (épicurisme galant, survivance des valeurs chevaleresques, mélange de grossièreté bon enfant et de raffinement pré-classique)...
Grog : La crainte exprimée par les rôlistes face aux jeux « historiques » est la crainte d'un étouffement par un cadre rigide. Que réponds-tu face à cette inquiétude ?
Jean-Philippe Jaworski : Je réponds que la période est tellement confuse que le cadre, par essence, est souple... Je rédige un petit article, à paraître avec l'écran de jeu et les scénarios qui l'accompagneront, qui répertorie les différentes philosophies avec lesquelles on peut aborder le jeu historique, et qui fournit quelques conseils pour jouer sans frustrer les joueurs de leur liberté.
Tout d'abord, comme le préconisait à juste titre l'article de Casus Belli consacré à la critique du jeu, on peut jouer la petite histoire, voire la moyenne histoire : jouer des intrigues au niveau local ou régional, qui n'ont pas d'incidence majeure au niveau du royaume, mais qui peuvent déjà assez largement flatter l'ego des joueurs. La dispersion des fronts au cours des guerres civiles se prête très bien à ce type de scénario.
Toutefois, il est aussi possible - et passionnant - de jouer avec la grande histoire. Techniquement, le point essentiel que les MJ doivent avoir en tête, c'est que les personnages historiques sont dotés de Providence (un système proche des points de Destin d'autres jeux), comme les PJ. Du coup, on peut par exemple laisser librement les joueurs ourdir leurs complots contre des personnages historiques, voire, s'ils ont de la tactique et de la chance, aller jusqu'à les abattre... La plupart des grandes figures de l'époque ont été victimes de nombreuses tentatives d'assassinat, sur le champ de bataille comme dans la vie civile. Il suffit ensuite au MJ d'exploiter la Providence du personnage historique pour lui faire frôler la mort, mais lui permettre de survivre.
Cet exemple montre qu'on peut parvenir à un compromis entre respect des grandes lignes de l'histoire et liberté des joueurs. De plus, les guerres de religion sont si complexes, si confuses, qu'il y a de larges pans d'obscurité dans leur déroulement. Ce sont les niches où l'on peut placer les scénarios et permettre donc aux joueurs d'y exercer une action sur les événements historiques. On ignore par exemple qui a abattu Antoine de Navarre au siège de Rouen, qui a empoisonné les deux frères de l'amiral de Coligny, comment certains courriers secrets sont tombés entre les mains de l'état major adverse, ce qui a parfois prolongé des conflits pendant plusieurs mois... Il s'agit d'autant de zones d'ombre où un MJ peut situer ses scénarios.
J'en finirai avec une référence à un grand ancêtre ludique. Dans la préface d' Avant Charlemagne, Gérard Klein a posé un concept que je trouve très pertinent. Il a dégagé "deux situations historiques intéressantes du point de vue du joueur". D'une part, "celle de l'instant décisif, Marathon, Poitiers, Lépante, Waterloo, Stalingrad, Arrakis, où se définit après un instant de suspens entre des forces présumées égales un nouvel équilibre du monde." Klein y voit la source d'inspiration des jeux de stratégie. D'autre part, "il y a celle des fondrières, des marécages de l'histoire, où son cours se divise en tant de bras qu'elle ne semble plus avoir ni sens, ni direction", et qu'il estime idéale pour le jeu de rôle. La deuxième moitié du XVIe siècle en France est une de ces "fondrières", qui permet aux joueurs de s'approprier l'un des innombrables bras événementiels d'une situation décomposée... Et justement, la dissolution de la dynamique historique offre un formidable espace de liberté au jeu de rôle.
Grog : Pour initier des joueurs à Te Deum, on pourrait conseiller de lire les bandes dessinées de la série "Les chemins de Malefosse" de Bardet et Dermaut, ou des romans comme "Fortune de France" de Merle ou "les Quarante-cinq" de Dumas, plutôt que des ouvrages académiques comme ceux de Jeanine Garrisson. Vas-tu me donner la bastonnade pour avoir prodigué ces recommandations ? Que conseillerais-tu, pour ta part ?
Jean-Philippe Jaworski : Loin de moi l'idée de condamner ces références romanesques et bédéphiles ! C'est au contraire une excellente perception de l'univers, dans la mesure où elle montre qu'on peut avoir une approche romanesque ou feuilletonesque des guerres de religion. D'Alexandre Dumas, je conseillerais aussi "La dame de Monsoreau", et de Michel Zévaco, "Les Pardaillan".
Grog : Te Deum n'est pas un jeu en noir et blanc (les "bons" contre les "méchants"), ni même un jeu en tons de gris uniquement. De l'or de la Cour à la misère des rues, du sourire des dames au rictus des spadassins, des controverses théologiques aux duels au petit matin, voilà un univers riche en promesses d'aventures. Mais n'y a-t-il pas un risque de se sentir un peu perdu face à autant de possibilités ?
Jean-Philippe Jaworski : C'est ce qui fait à la fois l'intérêt et la complexité de l'époque. Il me semble que tu abordes deux sujets : d'une part, les problématiques morales posées par une société déchirée, et d'autre part l'extraordinaire diversité de cet univers, qui se prête à des intrigues extrêmement variées, voire imbriquées.
Sur le plan moral, le jeu se prête à des dilemmes assez terribles, et adopter une vision manichéenne du monde risque de conduire tôt ou tard les personnages à devenir des criminels fanatiques... C'est au MJ de bien veiller à donner une vision nuancée du cadre : il faut des personnages à plusieurs facettes, des conflits d'intérêts et de personnes même au sein d'un seul camp, des erreurs qui portent des fruits inattendus et des succès escortés d'un cortège de désillusions ou de jalousies... Dans les scénarios que j'établis, je m'efforce toujours de donner une certaine complexité aux PNJ, ce qui, je l'espère, contribue à l'impression de profondeur des personnages et de la société. Cette absence de tous les repères manichéens rend sans doute la tâche des joueurs plus épineuse, mais je crois aussi qu'elle donne une consistance beaucoup plus réaliste à l'univers dans lequel ils évoluent.
Sur le plan thématique, il est vrai aussi que cet univers se prête à des scénarios extrêmement variés : campagnes militaires, conspirations politiques, rivalités dynastiques, affaires d'honneur, débats religieux, enquêtes policières, intrigues amoureuses, insurrections populaires, souvent étroitement entremêlés. Certes, ce n'est pas simple. Mais au moins, cela se prête aux aventures épiques ou picaresques, avec intrigues à tiroirs, rebondissements continuels et coups de théâtre dramatiques ! Ce foisonnement est aussi ce qui a valu au XVIe siècle d'être une des sources d'inspiration des aventures de cape et d'épée.
Bref, oui, les joueurs vont se retrouver affrontés à des situations complexes. Mais en soi, n'est-ce pas un défi plus séduisant que de faire triompher le camp du bien sur celui du mal ?... (Ou celui du mal sur celui du bien ?...)
Grog : Les anges gardiens et la Miséricorde constituent-ils une façon d'introduire un peu d'humanité dans un monde de brutes ? Certaines mauvaises langues, parmi lesquelles j'ai cru reconnaître celle d'un illustrateur du jeu, me soufflent même des questions du genre "Des points de providence accordés aux PJ pour leurs bonnes actions... Dis-moi, c'est un jeu pour boy-scouts ? Les hosties seront-elles fournies avec le coffret ?"
Jean-Philippe Jaworski : Pour resituer un peu, je vais commencer par évoquer brièvement le système de la Providence et de la Bienveillance. La Providence est une caractéristique spéciale qui simule les interventions providentielles en faveur du PJ : il s'agit de sa chance, ou de son destin. Comme les autres caractéristiques, elle possède plusieurs niveaux, et un dé proportionnel à son niveau. Mais à la différence des autres caractéristiques, elle varie sans cesse. Quand un PJ veut absolument réussir une action, il peut ajouter son dé de Providence à son dé de caractéristique ; quand il veut minorer la gravité d'une blessure, il peut également faire appel à la Providence. Mais chaque utilisation de cette caractéristique entraîne sa diminution d'un niveau. En revanche, certaines actions courtoises ou charitables, un bon roleplay, le fait d'avoir échappé à un péril ou tout simplement d'avoir réussi un scénario permettent de gagner des points de Providence.
La Bienveillance figure l'attachement de l'Ange Gardien du PJ à son protégé : son score est maximal à la création du personnage et il ne peut que diminuer. La Bienveillance s'érode très progressivement avec l'âge, mais elle peut chuter plus vite si le PJ devient vicieux ou criminel... Concrètement, la Bienveillance n'intervient que pour un type de test : le test de vieillissement. Une Bienveillance basse risque de faire vieillir plus vite le personnage, ce qui se traduit par une dégradation de ses caractéristiques.
En d'autres termes, un personnage chevaleresque et charitable a toutes les chances d'accumuler les niveaux de Providence, ce qui lui donne des chances accrues de réussite et de survie ; à l'inverse, un personnage avili risque de mal vieillir. Bref, des PJ qui font preuve d'humanité sont favorisés, des PJ criminels fragilisés... Sachant que les choses sont souvent plus nuancées, rien ne faisant obstacle à ce qu'un personnage vertueux soit poussé au crime par les circonstances, ou à ce qu'un criminel, par panache, se fende d'un geste chevaleresque, ce qui va équilibrer les gains et les pertes. Reste que c'est ce système qui provoque parfois la perplexité de certains joueurs, qui se demandent ce qu'une sanction des actions morales ou immorales vient faire dans le moteur du jeu.
Je m'en explique dans les règles : il m'aurait paru malsain d'ignorer purement et simplement la possibilité de jouer des fanatiques et des massacreurs. Malsain parce que les problématiques morales et criminelles du XVIe siècle sont toujours d'actualité : les massacres dans les populations civiles en Algérie dans les années 90 reprennent les mêmes modalités que les massacres des guerres de religion, la virulence de religieux intégristes actuels qui appellent au Jihad est la même que celle des moines mendiants qui provoquaient des lynchages collectifs au XVIe siècle... Ignorer la possibilité d'une dérive (même ludique, même distanciée) vers le fanatisme me gênait considérablement. En outre, ce système permet de rappeler constamment aux joueurs la gravité des dilemmes auxquels sont confrontés leurs personnages : s'ils se retrouvent impliqués par leur parti dans un massacre de femmes et d'enfants, ils vont trinquer techniquement... Mais s'ils refusent, alors ils vont passer pour des tièdes aux yeux des extrémistes de leur camp, ce qui est aussi dangereux...
Grog : L'absence de guérison accélérée par des moyens magiques rend les personnages de Te Deum relativement fragiles face à la maladie et surtout au combat. Ceci tend-il à rendre les joueurs prudents ou moins enclins à recourir à la violence comme moyen de résoudre leurs difficultés ?
Jean-Philippe Jaworski : L'expérience m'a montré que des joueurs débutants n'ont pas une perception claire des dangers que représente le combat... jusqu'à leur premier combat. Le système est rapide, meurtrier et assez sale - même s'il n'est que rarement fatal, du moins au terme de l'engagement. Souvent, les joueurs en sortent refroidis - même ceux qui ont remporté une nette victoire, car ils réalisent qu'il ne s'agit pas d'un système épique qui atténue les effets des blessures, mais au contraire d'un système assez cru qui montre qu'une blessure ça fait mal, que ça fait mal pour longtemps, et qu'en plus, ça peut s'aggraver et vous faire mourir quelques heures ou quelques jours plus tard.
Tout d'abord, ça rend bon nombre de joueurs plus prudents. Quand la rumeur court qu'une bande de lansquenets sans solde rôde dans la région, ça fait trembler tous ceux qui ne sont pas des vétérans endurcis... De plus, ça pousse certains joueurs à une forme de pragmatisme tactique. Les joueurs adoptent spontanément les usages de l'époque : quand on affronte un ennemi, on préfère avoir la supériorité du nombre et du terrain, et on décroche souvent très vite quand on se rend compte que l'adversaire dispose de ces atouts... Bref, le réalisme de la gestion des blessures induit, par contre coup, des attitudes réalistes dans la gestion des conflits.
Ceci dit, il faut aussi nuancer ces impressions. Des personnages médecins, barbiers, voire des guérisseurs de campagne ou des sages-femmes peuvent soigner des personnages blessés et limiter temporairement les malus dus à leurs blessures... Un bon usage des herbes médicinales permet d'obtenir des effets antalgiques ou stimulants qui rendent un peu de vigueur aux blessés. C'est tout l'intérêt d'avoir ces personnages dans le groupe de joueurs, ou dans les suites des aristocrates. J'ajoute que c'est un jeu dans le jeu pour les personnages dotés de compétences médicales, car il leur faut aller chercher les médications appropriées - et éviter les surdosages ou les confusions, sous peine d'intoxiquer leurs patients...
D'autre part, il est possible également de jouer des personnages héroïques, qui s'exposent au feu avec témérité et s'en tirent mieux que les autres. Certaines Grâces guerrières, comme Robuste, Sens du panache ou Tête brûlée permettent d'encaisser beaucoup mieux les coups ou d'avoir de la baraka sur le champ de bataille. Il reste donc possible de jouer un trompe-la-mort d'un courage insensé, capable d'essuyer la salve d'un régiment ennemi en restant dressé sur ses étriers - ce qui fut le cas pour un nombre remarquable de grands capitaines des guerres civiles... Enfin, en cas de coup dur, le joueur peut toujours faire appel à la Providence pour atténuer une blessure grave. Il existe donc des mécanismes pour modérer la brutalité réaliste du système...
Grog : Plus largement, un jeu sans magie, à la grande époque des Nostradamus, Cosme Ruggieri et autres devins entourant la Reine mère ! L'époque du roi Henri III censément accompagné de son démon familier Teragon... Celle du succès du traité de Jean Bodin, "De la Démonomanie des sorciers"... Tu nous offres un jeu sans magie, et pourtant je peux incarner un astrologue. Quel est donc ce tour de passe-passe ?
Jean-Philippe Jaworski : Le jeu est dépourvu de système de magie, ce qui ne signifie pas qu'il est dépourvu de magie. Au XVIe siècle, on croit dur comme fer à l'astrologie, à la nécromancie et à la sorcellerie. Catherine de Médicis est effectivement entourée de magiciens et d'astrologues. J'ai décidé de traiter cela de façon fantastique, au sens académique du terme : les PJ soupçonnent les manifestations surnaturelles, mais les deux explications, rationnelle comme magique, doivent rester possibles. Comme tu le rappelles, Te Deum pour un massacre permet d'incarner un astrologue, et la compétence astrologie n'est pas un gadget : elle permet de calculer des thèmes astraux, qui fournissent des renseignements assez précis sur le profil des personnages dont le profil a été établi. En outre, il n'est pas exclu que je publie par la suite des scénarios ayant des intrigues fantastiques - mais j'insiste sur le mot fantastique, avec toute l'ambiguïté dont il est porteur.
Grog : Le cadre premier de Te Deum est la France des guerres de Religion. Mais sera-t-il possible de quitter ce cadre géographique et grenouiller ailleurs, par exemple à la cour d'Espagne, dans les antichambres pontificales ou dans les rues de Londres ?
Jean-Philippe Jaworski : Le jeu est essentiellement centré sur la France. Ceci dit, comme la France du XVIe siècle était en fait le théâtre de l'affrontement des grandes puissances européennes de l'époque (Siège Pontifical, Sérénissime République de Venise, Espagne, Angleterre, Saint Empire germanique, insurgés des Pays Bas, voire ambassades polonaises ou turques), il est à peu près inévitable que des personnages qui fréquentent la cour se frottent à la politique internationale. Sur le seul territoire français, cela implique déjà espionnage, manipulations, complots, corruption et affrontements purs et simples puisque de nombreuses troupes étrangères sont venues écumer le royaume pour soutenir les différents partis.
Ceci dit, cela ouvre effectivement de nombreuses perspectives sur des voyages des personnages français à l'étranger : on peut accompagner les gentilshommes catholiques partis combattre les Turcs sous la bannière espagnole (comme Brantôme) ; on peut accompagner les gentilshommes huguenots réfugiés en Angleterre, et tenter de résister à la séduction et aux manoeuvres tortueuses de la grande Elisabeth ; on peut escorter Marie Stuart dans son royaume d'Ecosse, et subir avec elle (ou contre elle) les chapitres mélodramatiques de son règne ; on peut s'engager dans la Sainte-Alliance protestante et entrer en lutte ouverte contre l'occupation espagnole des Pays Bas...
Grog : En proposant des fiches de PNJ pour Catherine de Médicis, le duc d'Anjou et autres Coligny, ne prends-tu pas le risque d'encourager certains joueurs à s'engouffrer dans la voie de l'uchronie, de les inciter au massacre des grandes figures historiques ?
Jean-Philippe Jaworski : D'une part, je dirai : l'uchronie, pourquoi pas ? Si un groupe de joueurs a envie de construire un XVIe siècle alternatif, c'est un plaisir comme un autre. Je leur fournis simplement le matériau ludique et historique à partir duquel construire leur histoire parallèle.
La question est plus délicate en ce qui concerne des joueurs qui désirent rester fidèles à la trame historique, sans pour autant se trouver bridés dans leurs actions. Mais dans ce cas, comme je le disais un peu plus haut, je recommande aux MJ de laisser faire leurs joueurs selon leur idée, et d'utiliser la Providence des personnages historiques comme joker pour éviter un dérapage ouvertement contre-historique. N'oublions pas non plus que la plupart des grandes figures de l'histoire sont si bien entourées que le moindre faux pas des PJ sera suffisant pour leur attirer de très, très gros ennuis. Des ennuis nombreux, expérimentés, rusés et féroces, ce qui sera suffisant la plupart du temps à protéger les personnages historiques, sans même avoir à solliciter leur Providence.
Par exemple, quand l'Amiral de Coligny est blessé par Maurevert, il est accompagné par une dizaine de gentilshommes huguenots, tous armés, fines lames, officiers et vétérans d'une demi-douzaine de guerres... Et Coligny est lui-même un très bon combattant. Maurevert n'a dû sa survie temporaire qu'à une fuite éperdue - et au massacre de la Saint-Barthélemy, deux jours plus tard, qui a éliminé tous ceux l'avaient pourchassé ; ce qui ne l'a pas empêché d'être tué quelques mois plus tard par le fils d'un de ces officiers... Bref, de sérieux obstacles pour des PJ, qui courent davantage le risque d'être massacrés que d'atteindre leur cible.
Enfin, n'oublions pas les raffinements de cruauté avec lesquelles les assassins des grands personnages de l'époque étaient suppliciés. Poltrot de Méré, l'assassin du duc de Guise, fut soumis à la question, enchaîné au cercueil de sa victime d'Orléans jusqu'à Paris, écorché vif avec des tenailles rougies, puis lentement écartelé par quatre chevaux de trait... C'est le genre de supplice qui peut attendre un PJ qui tente un attentat, raté ou réussi, sur un grand. Gageons que c'est en soi fortement dissuasif...
Grog : Te Deum... se veut un jeu décidément historique. Mais il est également l'héritier de toute une tradition romantique qui, depuis l'oeuvre d'Alexandre Dumas jusqu'au film de Patrice Chéreau, se réfère à la légende noire des derniers Valois-Angoulême. Des historiens y trouveraient donc à redire, certains sujets suscitant toujours d'âpres débats entre spécialistes. Que l'on songe à l'implication de Catherine de Médicis dans l'attentat contre Coligny (thèse couramment admise mais contestée de manière vigoureuse par Jean-Louis Bourgeon). Ou, pour aborder un angle plus trivial, aux relations incestueuses entre Marguerite de Valois et ses frères... ce que réfute Eliane Viennot, éminente biographe de la "reine Margot". Bref, le jeu ne risque-t-il pas de se retrouver le cul entre deux chaises ?
Jean-Philippe Jaworski : Le jeu ne prétend pas faire l'histoire : il exploite l'histoire comme contexte. Bref, comme le roman historique, c'est un outil de divertissement, ce peut être un support éducatif, mais il n'a nulle ambition scientifique. Du reste, la création des PJ et l'interprétation de leurs aventures nous placent bien dans le domaine de la fiction. Une fiction documentée, une fiction réaliste, mais qui ne prétend pas à l'exactitude. En ce sens, les polémiques et les mystères historiques sont même un atout, puisque ce sont les zones floues dans lesquelles on peut nicher les PJ et leurs aventures...
Grog : Te Deum est-il un jeu abordable, dans son univers et son système, par un débutant en JdR ?
Jean-Philippe Jaworski : Très clairement, oui. Du moins pour les joueurs. Des années de pratique me l'ont montré. J'ai fait jouer des rôlistes qui n'avaient jamais essayé le jeu historique, et qui sont entrés avec aisance dans l'univers, en particulier grâce à la création de personnage. J'ai aussi initié avec Te Deum des gens qui n'avaient jamais fait de jeu de rôle, et qui ont très vite maîtrisé les règles.
En revanche, il est préférable que le MJ ait déjà un peu de pratique. Pas forcément des connaissances sur l'époque : le background fourni avec le jeu est très suffisant pour mener des parties. Mais il faut un peu de pratique de la maîtrise à proprement parler, pour restituer la complexité des personnages et des situations.
Grog : Tu as une longue pratique de Te Deum. Penses-tu que c'est un jeu capable d'intéresser des joueuses ?
Jean-Philippe Jaworski : Là encore, très clairement, oui. J'en ai été le premier surpris, parce que quand j'ai créé le jeu, j'avais surtout en tête les guerres civiles, leurs cortèges de massacres et d'atrocités. Mais nous en parlions plus haut, Te Deum est aussi un jeu d'interactions sociales, d'intrigues sentimentales et politiques, voire un jeu de cour, et de nombreuses joueuses raffolent de cet aspect du jeu. Cela contribue d'ailleurs à la diversité de l'univers et à sa richesse, où la légèreté galante apporte un contrepoint rafraîchissant aux discordes fratricides et aux tueries. Des parties que j'ai faites avec des joueuses, j'ai des souvenirs très divertissants : ragots vipérins échangés entre petites pensionnaires de couvent ; intrigues tortueuses pour échapper à un mariage épouvantable ; coquetterie de grandes dames enfermées avec leur parfumeur pendant des heures, afin d'être parfaitement pomponnées pour assister à une dissection publique...
J'ajouterai que la création des personnages féminins est différenciée de celle des personnages masculins, et que les joueuses occupent des positions sociales distinctes de leurs homologues masculins. Certaines professions leur sont spécifiques, certaines Grâces se prêtent bien aux clichés sur le beau sexe (Coquetterie, Courtoisie, Intrigante, Piquante, Vénusté...) et les joueuses peuvent donc incarner des personnages possédant une identité spécifiquement féminine. En outre, dans cette société galante, les dames dotées d'un peu de tempérament et d'un peu de rouerie exercent un immense empire sur les hommes... Ce que Catherine de Médicis avait parfaitement compris, qui s'entourait d'un Escadron volant des plus jolies femmes du royaume pour contrôler la cour, à commencer par ses propres fils, les rois de France...
Grog : Y a-t-il eu commande des illustrations sur un cahier des charges établi par l'auteur et/ou l'éditeur, ou liberté totale d'expression pour l'illustrateur ?
Jean-Philippe Jaworski : De mon côté, j'avais émis le souhait que les portraits des grands personnages de l'époque figurent dans le jeu. Alain Rozenblum a outrepassé mes désirs, en allant chercher tous les portraits d'époque disponibles (voire en dénichant certains crayons qui m'étaient inconnus), puis en les reproduisant fidèlement dans le Livre II.
Grog : Si je ne m'abuse, vous avez déjà joué ensemble à Te Deum. Cela vous a-t-il amené à avoir en tête des images similaires ?
Jean-Philippe Jaworski : J'ai même eu le plaisir d'avoir Alain comme joueur en maîtrisant certains scénarios qu'il a ensuite illustrés. Ce qui est certain, c'est que ses dessins donnent un corps extraordinaire aux PNJ que j'avais imaginés... Quand il m'a montré les crayons de César de Sanceny se livrant à un jeu équivoque avec Mme sa belle-mère, de Mlle Agrippine arborant un air éberlué ou du baron de Sanceny offrant un trois-quarts de profil très étudié, je me suis dit qu'ils étaient plus vrais que nature, et j'ai envié les joueurs et les MJ qui pourraient profiter de ces portraits en cours de partie.
Grog : La couverture de Te Deum est signée par une pointure de l'illustration, Rolland Barthélemy. Comment cela s'est-il passé entre vous deux ?
Jean-Philippe Jaworski : Au niveau des illustrations, j'ai aussi un très bon souvenir de la collaboration avec Rolland Barthélemy au moment de la composition de la couverture. Nous avons échangé pas mal de courriels pour fixer le sujet et l'esprit de l'illustration, et le résultat est partiellement le produit de notre concertation - et très largement celui de son talent. Nous étions tombés d'accord pour représenter le clan des ultras qui ont décidé du massacre de la Saint-Barthélemy, et les personnages représentés sur la couverture sont historiques : outre Catherine de Médicis, enlaidie à dessein, on peut reconnaître François de Guise, Charles IX déjà phtisique, Henri d'Anjou, le comte de Retz, le chancelier de Birague, le maréchal de Saulx-Tavannes... L'organisation chromatique de l'illustration suggère la nuit de la Saint-Barthélémy : tons rouges des vêtements et traînée sanglante au sol qui contrastent avec l'arrière-plan aux couleurs très froides.
Grog : Avec un seul auteur à la barre, peut-on espérer un suivi régulier de la gamme ou devra-t-on se contenter du coffret de base ? Ou bien la gamme pourra-t-elle être nourrie des contributions d'autres auteurs ?
Jean-Philippe Jaworski : Pour l'instant, deux suppléments sont en travaux : l'écran de jeu, déjà sorti, qui est accompagné d'un livret de trois scénarios inédits, puis une campagne permettant de jouer les tribulations de la clientèle du baron de Sanceny pendant la première guerre civile. Il est également prévu que la gamme puisse être enrichie par des contributions d'autres auteurs. Cela fait même l'objet d'un article du contrat que j'ai passé avec l'éditeur.
Grog : Si la publication de scénarios est prévue, penses-tu les faire paraître suivant la chronologie historique ? Rattacher ainsi (de manière très classique) la petite histoire à la grande, soient les péripéties des PJ aux grands événements successifs, permettrait peut-être de mieux appréhender l'imposant Livre Troisième, "Chronique des guerres de religion" ?
Jean-Philippe Jaworski : Pour l'heure, les scénarios déjà disponibles ou à paraître se situent tous dans les années 1560-1563, soit avant, pendant et juste après la première guerre civile. Mais il n'est pas exclu que les suppléments suivants abordent le Grand Voyage, les conspirations qui ont provoqué les deuxième et troisième guerres civiles, ou les atrocités épiques de la troisième guerre civile...