Par Slawick Charlier
Rubrique : Interviews
Date : 29 juin 2009
Metal Adventures, voilà un nom qui évoque bien des choses ! Derrière lui se cache un jeu de rôle à paraître en juillet 2009, proche du Space Opera et mettant en scène des pirates de l’espace. Son auteur n’est pas un inconnu, Arnaud Cuidet ayant été un rédacteur prolifique pour la presse spécialisée – au sein de Casus Belli et plus récemment de Dragon Rouge, mais aussi auteur sur des gammes comme Rétrofutur, Nephilim, COPS ou Cadwallon, entre autres. Le Grog l’a rencontré pour partir à la découverte de ce nouveau jeu : quand un navire de l'espaaace rencontre un compatriote.
Guide du Rôliste Galactique : Histoire de situer nos lecteurs, peux-tu nous dire de quoi parle Metal Adventures ?
Arnaud Cuidet : Metal Adventures est un jeu de science-fiction où les joueurs incarnent des pirates de l’espace. Ce n’est pas un jeu de hard-science, mais bien du space opera, quoi qu’on soit très loin de l’ambiance de Star Wars : le contexte de jeu de Metal Adventures, baptisé "dernier millénaire", est sombre et violent, voire baroque et décadent. Même si on voyage en hyperespace, la technologie est rustique et pas toujours très fiable. Dans cet univers impitoyable, les joueurs doivent faire contre mauvaise fortune bon cœur, et rester soudés : leurs personnages constituent un équipage autonome. Il n’y a qu’eux à bord du vaisseau (le leur, donc) et le capitaine est élu parmi eux. Ils sont libres de partir à la chasse au trésor, sauver des princesses ou arraisonner des navires !
Grog : Pourquoi ce thème, cet univers en particulier?
AC : C’est une très bonne question, mais je ne suis pas sûr d’avoir une réponse simple…Globalement, je suis fan de cette SF qui mélange technologie et magie, sans pour autant être de la vraie science-fantasy avec des anachronismes trop marqués. Disons que je suis nostalgique de cette époque où on pouvait imaginer des histoires et des univers sans s’embarrasser du rayon dans lequel serait classé une BD ou un bouquin. J’aime quand les vaisseaux spatiaux se posent sur des planètes abritant d’anciennes civilisations aliens aux temples cyclopéens, quand les combats se font autant au sabre qu’au pistolet laser et que l’espace recèle des créatures monstrueuses prêtes à rendre fous les humains. Depuis que j’ai joué à Whog Shrog (ça nous rajeunit pas !), j’ai toujours eu envie de faire un JdR de SF "baroque et décadente".
Par-dessus cette vieille envie, je suis tout simplement un ex-joueur des Secrets de la Septième Mer qui aime bien les histoires de pirates et de cape et d’épée en général. En plus, j’aime bien le rhum. Une fois que j’ai eu posé les bases du dernier millénaire, il ne m’a pas fallu longtemps pour y rajouter des pirates de l’espace très librement inspirés des pirates des Caraïbes !
Grog : On sent de nombreuses influences dans MA, qui vont du Japon (Albator) aux USA (la version science-fiction de l'Ile au Trésor de Disney) : est-ce qu'il y en a qui prédominent plus que d'autres, qui furent plus conscientes ?
AC : J’aime beaucoup les bandes dessinées de Druillet, de Moebius et de Gimenez (notamment La caste des méta-barons). J’ai un respect religieux pour la revue Metal Hurlant (d’où le "Metal" de Metal Adventures) et, même s’ils n’ont pas toujours très bien vieilli, les deux dessins animés du même nom.
Mais l’élément déclencheur qui m’a fait asseoir devant mon PC pour démarrer le premier fichier word de Metal Adventures, c’est Riddick Chronicles. J’ai bien aimé, dans ce film, le mélange entre le passé (la religion, les prophéties) et le futur (les vaisseaux spatiaux et tout le reste) que ce soit au niveau de l’histoire ou même de l’architecture et du look des personnages. J’adore la fin et le clin d’œil à Conan et ça m’a tellement donné la patate que j’ai eu envie d’écrire un jeu !
Par ailleurs, pour être un peu plus précis, au-delà du fait que je me suis inspiré du "genre", Metal Hurlant, ma principale œuvre de référence, c’est le Salammbô de Druillet : le look des planètes, la démesure, la violence, tout y est. Ensuite, il y a bien sûr Albator pour le look de l’Atlantis mais surtout Cobra pour l’ambiance générale, l’esthétisme et les jolies filles. La liste ne serait pas complète sans l’OAV Sol Bianca, un petit anime qui n’a pas fait beaucoup parler de lui mais qui vaut le détour. C’est ce dessin animé qui m’a donné l’idée de pirates de l’espace parlant (plus ou moins) espagnol, et donc par extension inspirés des pirates des Caraïbes.
Ensuite, je pourrais nommer Battlestar Galactica pour l’aspect "rustique" de la technologie. Je dois aussi avouer que, finalement, Star Wars a été une source d’inspiration ainsi que, presque par hasard, Star Trek : Voyager. Les bizarreries astrophysiques que rencontre l’équipage du Voyager ont été une source inépuisable d’inspirations pour les événements aléatoires de voyages spatiaux !
Grog : Est-ce que tu es/a été joueur de Pavillon Noir ? Est-ce que ce jeu a été une source d'inspiration d'une manière ou d'une autre ?
AC : Je n’ai jamais joué à Pavillon Noir. Je l’ai feuilleté au tout début de l’écriture de Metal Adventures pour faire un peu de veille concurrentielle et vérifier que je ne faisais pas une redite par rapport à un autre jeu. Tout à fait personnellement, et sans jugement de valeur aucun, je ne suis pas client de ce genre de jeu. L’aspect "historique" (tout autant que "scientifique") ne m’enthousiasme pas. Je me suis un peu documenté sur les pirates (car la réalité dépasse quand même la fiction), mais je n’ai pris que ce qui m’intéressait et je me suis bien plus inspiré de Jack Sparrow que des pirates historiques.
En fait, les jdr dont je me suis inspiré, ou en tout cas dont la pratique m’a inspiré, ce sont Star Wars d6 (auquel j’ai beaucoup joué quand j’étais plus jeune), Whog Shrog et Les Secrets de la Septième Mer (notamment pour le Panache et les points d’héroïsme).
Grog : Depuis combien de temps travailles-tu sur ce jeu ? Quelles ont été les étapes de son développement ?
AC : Mon dieu ! Quatre ans ! C’est pas compliqué, je m’y suis mis en sortant de Riddick Chronicles.
J’ai d’abord réfléchi à l’univers et à l’ambiance du jeu. Ensuite, j’ai intégré les pirates de l’espace. Presque tout de suite, je me suis mis à écrire des scénarios pour pouvoir tester les règles en parallèle de la conception du jeu. On s’est mis à jouer environ deux ou trois mois après le début du travail, et je n’ai pas arrêté depuis.
Au fur et à mesure que j’écrivais des règles et du background, je classais les éléments et les sujets entre le Manuel des Joueurs, le Guide du Meneur et les différents suppléments. Une fois que j’ai estimé que le corpus de base était stable, je me suis mis sérieusement à la rédaction des règles. Quand j’ai été satisfait par le Manuel des Joueurs, j’ai fait la tournée des éditeurs et j’ai signé chez le Matagot.
A partir de là, Hicham et moi avons réfléchi à la mise en images de l’univers et du jeu. Il a fallu modifier l’ordre de certains chapitres et l’angle d’attaque de certains textes pour que le projet puisse prendre sa forme définitive. Ensuite, nous avons travaillé avec les illustrateurs et le maquettiste pour aboutir à la maquette finale du Manuel des Joueurs.
Et pendant ce temps, je faisais jouer une deuxième fois la campagne "officielle" du jeu : El Barco del Sol. J’ai pas compté, mais je dois être pas loin d’une centaine de parties tests…Quatre ans !
Grog : Est-ce qu'il a tout de suite été prévu pour être édité professionnellement ?
AC : C’était prévu avant même que je commence à l’écrire. A l’époque où je suis allé voir Riddick Chronicles, je travaillais (entre autres) sur la gamme Arkéos d’EWS. Christian d’EWS m’avait contacté pour travailler sur la deuxième édition de l’EW system et m’avait également expliqué qu’il comptait publier d’autres jeux qu’Arkéos basés sur ces règles de jeu. Quand je suis allé voir Vin Diesel au cinéma, j’avais donc une tâche de fond "trouver un sujet pour faire un JdR".
Ensuite, j’ai rédigé un document de présentation à l’attention d’EWS qui a posé les bases de l’univers et de l’ambiance. On en a discuté, et le projet a été approuvé. Metal Adventures aurait dû sortir après Cirkus, mais EWS a eu quelques déboires qui ne nous ont pas permis de continuer l’aventure. Christian m’a gentiment rendu les droits sur le jeu, et j’ai pu (beaucoup plus tard) trouver un autre éditeur.
Grog : Peux-tu nous présenter les différentes personnes qui ont travaillé sur le jeu, tant sur le texte que la partie graphique ? Est-ce toi qui les a coordonnées ?
AC : On a été plein ! Dans l’ordre d’apparition à l’écran :
Tiens, j’en profite pour les remercier tous. C’était un sacré boulot !
Grog : Dans un jeu visiblement très inspiré par plusieurs dessins animés, la partie graphique est inévitablement importante. Tu avais une vision précise de ce que tu voulais ? Comment as-tu travaillé avec les illustrateurs, que ce soit pour dessins ou pour le design des vaisseaux par exemple ?
AC : Je suis pas sûr qu’on puisse dire que ma vision était "précise". Je savais ce que je voulais en terme d’ambiance. J’avais une idée du style des vaisseaux spatiaux, différent pour chaque nation stellaire. Je voyais bien où il fallait aller sur les costumes et les armes. Sorti de là, j’étais pas non plus à vérifier la couleur des chaussettes des personnages. En amont, j’avais rassemblé toutes les illustrations qui m’avaient inspiré au cours des trois années précédentes et j’avais envoyé ça aux illustrateurs. Ça nous a fait une base commune. Ensuite, il y a eu des esquisses préliminaires et des phases de discussion et de validation. J’espère ne pas avoir trop martyrisé les illustrateurs… Enfin, je sais que Jean-Mathias et Rémi (eux, c’est sûr) ont souffert. Ils s’occupaient des vaisseaux spatiaux et on ne rigole pas avec les vaisseaux spatiaux de Metal Adventures : la taille, le volume, l’emplacement des armes, la taille de la soute, l’emplacement des sas, tout ça est lié à des paramètres de règle très précis et des contraintes de l’univers. Il a fallu un certain nombre d’allers-retours pour que tout soit cohérent et fonctionne. J’espère qu’ils ne m’en veulent pas trop !
Grog : Quel est l'avenir de Metal Adventures ? Y'aura-t-il un suivi, que ce soit en ligne (ressources officiels sur le site Internet du jeu ou de l'éditeur par exemple) ou papier (suppléments) ?
AC : A l’heure où je vous parle, nous sommes déjà en train de produire le Guide du Meneur. Je ne me hasarderais pas à donner une date de sortie, mais on va dire "aussi vite que possible". Ensuite, j’ai déjà sous le bras de quoi faire trois suppléments. J’en profite pour faire un peu de pub...
Dans le Guide du Meneur, il y aura les secrets du dernier millénaire, les événements aléatoires des voyages spatiaux, des fiches de PNJ, des équipages de vaisseaux spatiaux prêts à l’emploi, la description du système Havana, qui sert de refuge aux pirates, et la première aventure de la campagne officielle : Le vaisseau maudit. Dans La prise et le profit, vous aurez des règles supplémentaires sur le commerce, la description de deux nations stellaires et deux autres aventures. Dans Le roi et le peuple, vous trouverez des règles sur la diplomatie et la science, deux nations stellaires et deux aventures. Dans Le fer et le sang, nous livrerons les règles de combat de masse (au sol et dans l’espace), plein de monstres et de mutants et les deux dernières aventures de la campagne officielle.
Grog : Et une question aux éditions du Matagot pour finir. Pourquoi avoir choisi d'éditer Metal Adventures, qui est tout de même assez loin de vos autres jeux ?
Hicham : Le sujet passionnant, le professionnalisme d’Arnaud, le potentiel énorme du jeu, tout ça nous a rapidement convaincu d’éditer le jeu.
C’était aussi l’occasion pour nous de revenir à une forme plus "classique", comme pour Cendres : format A4, couverture rigide, mais nous avons voulu mettre le paquet sur les illustrations pour offrir un jeu qui soit agréable à lire, et avec une identité visuelle très forte. Je pense que le jeu ne laissera personne indifférent, et cela nous le devrons à Arnaud, à Goulven à la maquette et à tous les illustrateurs (Rémi, Dimitri, Geoffrey, Jean-Mathias, Jérôme, Federico…) qui ont travaillé sans relâche. Ça n’a pas toujours été simple, mais je pense que le résultat est à la hauteur des efforts de chacun !
Grog : Merci à Arnaud et Hicham pour leur gentillesse et leur disponibilité, et bon vent (spatial) à Metal Adventures !