Par Jiohn Guilliann
Rubrique : Portraits de Famille
Date : 11 juin 2011
Je vais vous parler d'un temps que les moins de 30 ans ne peuvent pas connaître : celui de la première édition de l'Œil Noir.
La machine à voyager dans les dimensions
Montons dans la machine à voyager dans les dimensions et étudions cette gamme si étrange. Le succès de l'Œil Noir, surtout auprès des débutants, est probablement à mettre au compte de la façon dont le jeu est présenté. Les règles sont simples, la signalétique facile à retenir et le meneur est pris en main du début à la fin de la gamme.
Pour jouer à la version de base, celle du coffret d'Initiation au jeu d'Aventure, il suffit de 3d6 et 1d20. Les 3d6 servent à déterminer les valeurs des 5 caractéristiques et le d20 à résoudre les actions. On ajoute une valeur d'attaque et une de parade pour les combats et on a le moteur qui sert à résoudre toutes les situations. Dans la version étendue, on ajoute un certain nombre de compétences qui sont elles aussi testées avec un jet de d20 lorsque la situation se présente. Bref, un moteur vraiment simple. Si j'osais, je dirais simple et efficace, mais le "efficace" serait probablement de trop selon les critères actuels.
Les scénarios proposés dans la gamme sont d'une simplicité extrême, à base de PMT (Porte Monstre Trésor, pour ceux qui auraient commencé le JdR il y a quelques semaines). En général, une petite nouvelle à lire aux joueurs sert d'introduction, souvent in media res. Elle parachute le groupe de joueurs dans n'importe quel coin d'Aventurie (plus de détails dans l'article La machine à voyager dans l'espace), sans plus tenir compte de la motivation des personnages.
Mais le véritable secret vient de la façon dont sont organisés les scénarios. Le meneur est pris en main dès le départ. D'abord, l'introduction dispense de toute imagination sur la façon dont les personnages sont impliqués. Ensuite, pour chaque scène, ou chaque pièce, la description des lieux, des actions ou des informations disponibles suit le même schéma. D'abord les "Informations générales". Ce sont des informations que le meneur doit lire à voix haute. Elles représentent tout ce que les personnages peuvent saisir (ou subir) au premier coup d'œil (noir). Suivent les "Informations particulières". Le meneur ne doit pas les donner tout de suite. Il faut un peu plus de temps, ou une recherche un peu plus poussée pour que les personnages aient accès à ces informations. Enfin, les "informations réservées au Maître" renferment tous les secrets et les explications liées aux informations précédentes. Dans une pièce piégée, il y sera expliqué comment se déclenche le piège et comment le désamorcer. Dans une pièce occupée par un monstre, il y aura ses caractéristiques. La version Schmidt matérialise les informations réservées au maître par une ligne verticale le long du côté gauche du texte. La version Gallimard colore l'écriture en rouge.
Pour encore faciliter le rôle du meneur, la signalétique des ouvrages Schmidt (celle de Gallimard diffère, du fait de son format LDVELH) donne déjà des informations. Passons sur l'illustration elle-même qui n'a bien souvent qu'un rapport très lointain avec le contenu. Sous le titre, avec le sous-titre, il est toujours indiqué le nombre de héros conseillé pour jouer cette aventure, souvent entre 3 et 5. Un coin coloré apporte des précisions : le niveau minimal et maximal de chaque héros, le niveau de complexité des règles et le numéro dans la gamme. Le niveau de complexité se reconnaît à la couleur du coin : il est bleu ? C'est que les règles sont écrites pour être jouées avec le coffret d'Initiation. Il est jaune ? Munissez-vous de votre coffret d'Extension. Il existe une troisième couleur, qui n'apparaît que sur Rage Noire. C'est le rouge. D'après les deux autres ouvrages en allemand sur lesquels elle apparaît, il semble que ce rouge soit réservé aux aventures à Havena. Quant au numéro de la gamme, s'il est bien pratique pour un collectionneur, il est totalement inutile pour faire son choix. Et même pour le collectionneur, ce n'est pas simple : il change en fonction de l'édition ! Suivez un peu :
Pour l'édition allemande :
Mais pour que ce soit plus simple, prenons un numéro allemand, et comparons-le à ses éditions étrangères : La Porte des Mondes. C'est le numéro 8 chez les allemands, le numéro 9 chez Schmidt en français, le numéro 11 chez Gallimard, le numéro 6 chez les italiens et le numéro 8 en hollandais. Et je ne parle pas du numéro 4 qui chez Schmidt France est attribué à deux ouvrages…
Complétement intégrés à la gamme du JdR, on trouve aussi des LDVELH. Ils sont traités de façon identique, avec la même signalétique extérieure. Bien sûr, les différents paragraphes "d'Informations" n'ont plus cours dans ce cas.
Et MDA ? Edition 1.5 ?
En 1987 débarque en Allemagne (et 1988 en France) un OLNI au sein de la gamme. C'est l'édition avancée de l'Œil Noir, autrement appelée Maître d'Armes (MdA). Ce coffret propose au groupe de joueurs d'élever ses personnages au-delà du niveau 15. Mais pour cela, ils doivent quitter l'Aventurie et pénétrer dans le cratère d'un volcan qui les mènera à l'intérieur de Dère, dans le Monde Creux de Tharoune. Là, c'est un nouveau monde qui s'ouvre à eux. Bien que les caractéristiques soient les mêmes, la façon de s'en servir change radicalement. En ce qui concerne la magie et le combat, du moins. La société qu'ils doivent intégrer est plutôt du genre fascisant et ils vont bien vite se retrouver parmi les rebelles qui tentent de renverser l'ordre établi
Il semble que cette nouvelle version de l'Œil Noir n'ait pas séduit les joueurs de l'époque. Trop différente des canons de la gamme, dans les thèmes comme dans le système ? Toujours est-il que cette gamme n'aura que deux coffrets puis plus aucun suivi. Si ce n'est pas la première édition, elle y reste liée, bien qu'elle ne soit plus répertoriée dans la gamme officielle.
Remontez dans la machine à voyager dans le temps.
Montez dans la machine à voyager dans l'espace.