Livre de 424 pages à couverture rigide.
Cet ouvrage, de création française, inaugure une nouvelle série de suppléments. Son objectif est de faire jouer à l'Appel de Cthlulhu dans des époques et un lieu peu explorés en jeu de rôles. Il s'agit ici de l'Empire byzantin, centré sur la ville de Byzance (qui porta aussi le nom de Constantinople) dans les années 870. L'Empire byzantin est à ce moment de l'histoire le plus grand du monde connu, et vient de voir arriver un nouveau monarque, Basile Ier. Cet empire, chrétien, est secoué par les ambitions de ses voisins, mais aussi par la lutte contre les anciens dieux païens, les hérésies, et parfois les autres grandes religions monothéistes. L'ouvrage est divisé en plusieurs grandes parties, qui chacune commencent par une même illustration double page.
Après les pages de titre, crédits et sommaire, une Introduction (10 pages) contient un préambule de deux pages sous forme d'un extrait de journal d'un soldat, puis un Récit de Voyage de quatre pages contant la mission d'un enquêteur tentant de découvrir comment un de ses prédécesseurs a disparu dans un coin reculé de l'Empire. Suivent une carte double page de l'Europe et du Moyen Orient, et enfin une présentation du contexte du jeu.
La première partie, L'Empire byzantin, débute par Un récit des années passées (16 pages). Celui-ci livre l'histoire de la ville et de l'Empire, depuis -667 à 870, avec dans les marge une chronologie. Ce récit prend la forme du texte d'un lettré à qui il a été demandé de résumé l'histoire de l'Empire, marqué par des guerres et de nombreuses successions d'empereurs tumultueuses, ainsi que par la lutte contre, ou l'autorisation, des cultes païens et des hérésies. Byzance se pose en dernier défenseur de la civilisation romaine, après l'éclatement de cet empire, et de la chrétienté face aux invasions barbares et arabes.
Puis La civilisation byzantine (44 pages) commence par expliquer le système hiérarchique, avec l'Empereur à son sommet, suivi des aristocrates qui reçoivent des fonctions et des "dignités" donnant droit à une pension, et des paysans. Le statut particulier des eunuques est également abordé. Puis est exposée la structure d'un village, l'Empire étant essentiellement agraire, ainsi que le rôle des agriculteurs, puis celui des artisans et autres habitants des villes. L'accent est mis sur la différence entre les propriétaires et les locataires. Les institutions politiques sont ensuite passées en revue : l'empereur, l'importante administration, la justice et son fonctionnement, les armées et leur organisation. Puis vient la vie quotidienne : place des femmes, eunuques, esclaves et enfants, mariage, droit de propriété, habits, repas et loisirs. La vie religieuse est aussi abordée avec en bonne place la religion chrétienne, ses dogmes et son organisation, mais les autres cultes sont également évoqués. La vie intellectuelle, les arts et les sciences clôturent cette section concernant la civilisation.
Les pays de l’Empire (68 pages) passe en revue les différents thèmes (équivalents des provinces) de l'Asie mineure, donnant pour chaque ses éléments caractéristiques et les villes principales. Le nord de la Grèce puis la Grèce centrale sont décrites, particulièrement aux travers de villes. Les différentes îles (Corfoue, Crète, Cyclades, etc.) ne sont pas en reste, avant d'examiner les provinces de la région des Balkans, puis l'Italie, la Sicile et la Sardaigne. Pour certaines villes, la description incluant histoire et géographie peut occuper plusieurs pages.
Autour du monde byzantin (55 pages) présente les différents grands pouvoirs entourant Byzance, avec chacun son histoire, son organisation géographique et sa civilisation, y compris organisation sociale, justice, armées, coutumes, croyances, etc. Il s'agit de l'empire caroligien, du califat abasside centré sur Bagdad mais incluant La Mecque et Jérusalem, de l’Égypte centrée sur Alexandrie et essentiellement chrétienne, de l'émirat toulounide basé au Caire et musulman, du royaume de Kémi avec pour capitale Thèbes qui tente de refaire vivre la veille religion stygienne, de l'empire sassanide occupant la Perse et croyant au zoroastrisme, du royaume d'Arménie et de l'empire bulgare. Le commerce en Méditerranée (7 pages) examine enfin les coûts, monnaies et salaires dans l'empire byzantin.
Jouer à Byzance débute par La Création de personnage (24 pages) qui introduit une nouvelle caractéristique, Foi, sa valeur dérivée, Conviction, ayant un fonctionnement similaire à la SANté mentale, et la Ferveur, équivalent de l'Aplomb pour la Conviction. Les niveaux de vie sont ensuite examinés, puis une origine doit être choisie parmi plusieurs. Celles-ci sont présentées chacune sur une page, avec des listes de noms et prénoms possibles, le pays d'origine, la religion, la langue, et des spécificités de la culture. Ils s'agit des arméniens, byzantins, berbères, caroligiens, égyptiens, juifs et musulmans. Les différentes occupations possibles, qui offrent des bonus à des compétences et de l'équipement, sont ensuite passées en revue : artiste, brigand, érudit, guerrier, homme de foi, marchand, médecin, noble, roturier et voyageur. Les compétences sont ensuite adaptées à cette époque de jeu, et les dégâts des armes lui étant contemporaines sont regroupés sous forme de tableau, avant quelques machines de guerre.
Les règles sur La conviction (18 pages) sont ensuite données. Elle permet de résister plus facilement à une influence mentale et aux horreurs du Mythe, mais un score faible laisse la voie ouverte à ce dernier pour influer sur le personnage au point de le rendre fou. Les scores extrêmes peuvent influer sur ceux des autres personnages du groupe. Les différentes situations où de la conviction peut être perdue sont abordées : rencontres avec le Mythe mais aussi tous les différents pêchés que peut commettre le croyant. La conviction a toutefois des aspects positifs : elle peut remplacer la SAN pour les tests, et peut aider à accomplir des prodiges. L'équivalent pour la Conviction des folies pour la SAN sont le doute et les désillusions, ces dernières imposant des malus importants, souvent sur les compétences sociales. Les différents moyens de regagner de la conviction, incluant la rémission des pêchés dans les différentes religions, sont aussi abordés.
Les traditions spirituelles : Magie & grimoire (20 pages) fournit de nouvelles règles, pour des sorts utilisant la caractéristique la Conviction et la Ferveur. Chaque religion a une voie qui lui est propre et permet certains effets, allant de soins à des augmentations de Volonté en passant par le contrôle mental de masse. Toutes les voies des religions monothéistes ainsi que quelques païennes sont données dans ce chapitre. Puis les sorts proprement dits sont catalogués, avec pour chaque une description, la Conviction minimale requise et le coût en points de magie et de ferveur.
Mettre en scène Byzance est essentiellement constitué des Secrets byzantins (21 pages). Ils relatent différents événements, souvent de nature militaire. A chaque fois sont donnés les événements réels et l'interprétation du point de vue du Mythe qui est en est faite. Le secret est levé sur un plan millénaire de Nyarlathotep qui arrive à maturité, et les effets d'une faible conviction sont explicités côté Gardien des arcanes. Les "Prisons" de différents dieux sont également évoqués, de même que des cultes maléfiques, avec leurs voies de magies. Mettre en scène Byzance Impériale est un page conseils sur la façon de mener une partie dans ce cadre de campagne.
De Carthage à la Libye byzantine concerne les greniers à blé de l'Empire, d'abord la Carthagie (37 pages), qui est décrite en détails, avec son histoire, sa géographie, une visite de la ville, ses peuples, ses armées, sa vie quotidienne et ses secrets en relation avec le Mythe. La Libye (43 pages) reçoit un traitement similaire.
Débutant par une Présentation générale (2 pages), la Campagne : L'Idole de la cité oubliée voit les PJ enquêter sur le meurtre d'un marchand et partir à la poursuite des coupables. Le premier scénario, La statuette du dieu chacal (9 pages), est constituée de recherche dans les terres dominées par Carthage. Puis Une retraite de rêve (15 pages), comme son nom le laisse deviner, a un rapport avec le monde des rêves. Les investigateurs doivent dans ce scénario trouver le moyen de contrer la malédiction dont ils font l'objet. Enfin, Dans l'antre du chacal (10 pages) est l'occasion de voyager dans le désert et d'explorer une cité perdue pour dénouer l'intrigue et espérer survivre.
Les Annexes regroupent un Lexique (1 page), une Bibliographie (1 page), un Index (4 pages) et une Feuille de personnage (2 pages). L'ouvrage se termine par une page de publicité pour la gamme Cthulhu 1890.
Cette fiche a été rédigée le 5 mars 2014. Dernière mise à jour le 25 février 2024.
Byzance An 800 est un des meilleurs suppléments qu'il m'a été donné de lire dans la gamme Cthulhu de Sans Détour, une très bonne surprise de cette année 2014, il inaugure de façon éclatante la série « Le Mythe au coeur de l'Histoire » et place la barre haute pour les suivants ... Le genre d'ouvrage pour lequel je mettrais volontiers un 6 sur 5 ! Au mépris de la logique mathématique...
Il y avait déjà eu des suppléments historiques, Dark Ages ou Cthulhu Invictus, mais Byzance An 800 les dépasse largement de par le traitement exhaustif de la période et par l'application subtile de touches de Mythe qui tordent la réalité historique et la transforment en une Uchronie ludique.
Il n'y a guère que l'extrême orient, l'Afrique Noire et les Amériques qui ne sont pas traitées !
Quand on prend contact avec l'ouvrage, on est surpris par le poids du volume, plus de quatre cents pages pour un supplément de contexte, c'est-à-dire sans les règles décrivant le système, uniquement un gros chapitre pour les règles additionnelles sur la Foi, beaucoup de livres de base ne peuvent en dire autant, quand ils se contentent d'une grosse centaine de pages en un ou deux livrets ...
La forme est d'un classicisme consommé pour les ouvrages de la gamme de Cthulhu « Sans Détour », une belle couverture marron agrémenté d'une splendide illustration en couleur. L'intérieur en noir et blanc plus nuances de gris propose un texte dense émaillé de quelques illustrations et motifs récurrents afin de rompre la monotonie de la lecture.
Les illustrations ne sont pas extrêmement nombreuses, mais le budget a ses raisons que l'on ne peut ignorer, une illustration pour chacune des quatre cents pages eut été certainement prohibitif. Les motifs récurrents sont parfois un peu répétitifs, mais restent dans le ton et aèrent la lecture, de même que les encarts en blanc sur noir. Une mention spéciale sur les très nombreuses cartes qui parsèment les descriptions, réalisées à la main, indispensables à ce genre d'ouvrage, elles sont toutes très bien faites.
Pour en venir au fond de l'ouvrage il faut tout d'abord noter la période et la civilisation choisie par l'auteur. L'an 800 est une période peu usitée en jeu de rôle, on la situe à la fin du haut moyen âge, ça n'est plus l'antiquité avec ses civilisations puissantes et polythéistes, pas encore le bas moyen âge avec ses chevalier en armure de plaques si chères à l'heroic Fantasy ... une période inconnue ou passent dans un ordre indifférencié des Mérovingiens, des Carolingiens, des Huns et des Vandales ... sans parler des Goths, des Wisigoths et des Autres Goths ...
Peu de jeux de rôles historiques traitent cette période ... « Avant Charlemagne» par exemple ... et surtout on n'y parle que de la seule civilisation des Carolingiens ...
L'auteur a donc choisit pour notre plus grand plaisir cette période très peu traitée et fort intéressante, l'an 800:
La civilisation musulmane prend son essor et commence une conquête qui semble irrésistible, l'occident se redresse avec difficulté des âges sombres et redécouvre ses racines romaines ... racines plus ou moins chimériques, mais il recommence à utiliser le latin et à se croire le seul héritier de la Rome des Césars, tandis que plus à l'Est le seul empire qui puisse réellement se glorifier de son origine Romaine parle en Grec et se débat dans ses contradictions héritées de plus de mille ans d'existence !
La vision choisie par l'auteur, centrée autour de l'Empire Byzantin propose un angle différent et original par rapport à celui que nous utilisons habituellement, comme Amin Malouf dans « la croisade vue par les Arabes » déconstruit le mythe d'une croisade sainte et héroïque en donnant la parole aux Arabes qui virent soudainement débarquer des hordes de croisés aussi avides de libération des lieux saints que de pillages ...
Le récit d'un empire Byzantin entouré de ses ennemis, Musulmans, Perses, Carolingiens nous transporte dans un passé que nous ne soupçonnions pas. Qui pouvait penser que Charlemagne était vu par les Byzantins comme un barbare rustre et usurpateur ... profitant d'une couronne impériale indue et se prévalant d'une fausse filiation avec le glorieux empire Romain.
Cette vision est étayée par une description exhaustive de l'empire Byzantin, thermes après thermes, toutes les provinces de Byzance sont décrites, ainsi que celles de ses voisins et adversaires. À ce sujet il faut se méfier d'un raccourci, si l'ouvrage se nomme « Byzance an 800 » il ne contient pas une description ultra précise de la ville en elle-même comme on peut la trouver dans un supplément fameux de « Vampire Dark Ages » ...
Le livre traite de l'empire Byzantin et pas seulement de la ville phare de cet empire. Que le lecteur se rassure, la société byzantine et sa capitale n'est pas négligée, cependant il ne faut pas limiter l'empire à cette seule ville. D'ailleurs, l'auteur, pour éviter de trop focaliser sur Byzance décrit « in extenso » dans la fin du livre et dans la campagne associée, la ville de Carthage ... grenier à blé de l'empire.
Arrivé à ce stade de la lecture on peut se demander où est passé le Cthulhu dans ce livre si précis du point de vue historique, et on cherche furieusement les tentacules en râlant que l'auteur a encore recopié wikipedia ...
Puis si on y regarde de plus près on constate que plusieurs petits détails sont suspects: que fait cet empire Perse Sassanides dans l'affaire, à cette époque les Perses étaient depuis longtemps converti à l'Islam, de même cette Égypte étrange, avec ce royaume de Kemi, semble totalement incongrue. Les possessions byzantines sont plus étendues que dans la réalité ... Et Charles le Chauve n'est pas Empereur d'Occident ?
En fait, sous couvert d'un texte bien écrit, très complet et très détaillé, l'auteur nous délivre une réalité uchronique tellement bien ficelée qu'il faut sortir son livre d'histoire pour s'assurer de ce qui est réel et de ce qui est modifié par une subtile action des cultes honnis des grands Anciens. Les modifications sur l'univers ne sont pas limitées à la seule année 870 mais sont décrites depuis la plus haute antiquité et exposent le plan machiavélique d'un des grand dieux maudits et toutes les répercutions du dit plan sur le monde décrit par l'ouvrage. Ces différences sont multiples mais discrètes.
Pour l'homme de la rue vivant en 870, tout cela fait partie de son univers et il n'y a rien d'anormal et de vraiment surnaturel, enfin guère plus que ce que la superstition du temps accepte ... certains peuvent avoir l'impression à la première lecture qu'il y a peu de tentacules ... elles sont partout ... mais elles sont discrètes et avancent masquées ...
Tout le pourtour méditerranéen est donc décrit avec ses petites particularités propres à l'action méphitique des grands Anciens ... cependant l'humanité n'est pas condamnée d'avance, l'auteur rajoute une dimension supplémentaire au jeu, le pouvoir de la Foi !
S'il est une région où ce mot a un sens c'est bien le moyen orient, confluence des trois grandes religions monothéistes, des survivances païennes et d'autres cultes plus sinistres. Le pouvoir de la Foi est donc décrit à travers une nouvelle caractéristique FOI ! ainsi que tout un tas de caractéristiques dérivées, jusqu'a des sortilèges théurgiques selon les religions qui permettent a un vrai croyant de gagner une minutes de survie en plus face a Cthugha ... on notera que les fidèles des cultes antiques, tel Zeus, Odin ou Apollon, ne sont pas oubliés.
On passe dans une dimension plus "Pulp" de Cthulhu, ou les investigateurs gagnent une possibilité de résister face à l'opposition indicible sans forcement perdre leur santé mentale en usant de sorcellerie. Certains aimeront, dont je fais partie, d'autre n'aimeront pas et pourront mettre de côté ce corpus de règles ...
Enfin le livre s'achève sur une mini-campagne de trois scénarios sur trente pages se déroulant dans la région de Carthage, qui est décrite "in extenso" juste avant, l'auteur proposant d'utiliser cette région un peu éloignée de Byzance pour lancer l'équipe, afin de démarrer doucement avant de se lancer dans le grand bain. Cette mini-campagne sera l'occasion de rencontrer des personnalités "marquantes" et de lever le voile sur certaines caractéristiques spécifiques à cet univers.
Au chapitre des regrets, car il en a toujours, on aurait pu souhaiter une plus grande description de Byzance, mais l'ouvrage aurait fait 100 pages de plus ... on se consolera en se disant que ça donnera lieu à un supplément ... et on souhaiterait avoir plus d'informations sur le pays de Kemi et sur plein d'autres points, mais encore une fois, les 400 pages n'y auraient pas suffit.
Pour conclure, c'est une excellente base pour jouer dans une période qui peut être une forme de basse antiquité, l'auteur donne des outils pour ça avec la résurgence des cultes païens ... des conflits pré croisades ... avec les multiples conflits entre les religions monothéistes et leurs diverses hérésies ... qui ont elles aussi leurs racines dans les manigances de certains que je ne nommerais pas ... ou un jeu plus classique à la limite de l'héroïc Fantasy ... "allez donc me délivrer cette princesse qui a été enlevée par des créatures marines qui sentent fort mauvais" ...
On peut jouer Pulp ou classique ... on attend maintenant avec impatience la suite: une grande campagne épique dans ce splendide univers ? un supplément Byzance "by night" ? (à non zut ça c'est déjà fait)
On notera aussi que l'on peut sans aucune difficulté recycler cet univers dans d'autres jeux traitant de la période comme Ars Magica ou Miles Christi par exemple.
Donc je propose une note de 6/5 pour ce monument.
Critique écrite en mai 2014.
Le mythe de Cthulhu plonge ses racines dans des temps immémoriaux qui, en comparaison, ramènent l’histoire de l’humanité au rang de simple goute dans l’océan. Avec sa nouvelle série de suppléments baptisée « le Mythe au cœur de l’Histoire », la gamme Cthulhu chez Sans-Détour s’enrichit d’une liste considérable d’époques et de lieux historiques pour renouveler votre expérience de jeu.
L’antique capitale de la Thrace est à l’origine une cité grecque, bien que située en partie sur le territoire d’Istanbul, en Turquie. Elle fut aussi, au fil des siècles, la capitale de l’empire romain, de l’empire romain d’orient ou encore de l’empire ottoman. C’est dire si elle fut le centre du monde, ou à tout le moins, le carrefour de plusieurs civilisations. Byzance est encore aujourd’hui synonyme d’abondance et de magnificence. Comme tout lieu situé à la croisée des chemins, c’est une terre d’échanges, de richesses mais aussi de mystères car s’y confrontent les croyances et les légendes de chacun. C’est, en d’autres termes, un excellent terreau pour des histoires ayant trait au mythe de Cthulhu.
En réalité, à la lecture de cet ouvrage, le mythe est plus présenté comme une option à un jeu historique ou légèrement magique. Il faut dire que l’époque, avec ses complots, ses trahisons et ses dangers permanents, peut se suffire à elle-même dans le cadre d’une aventure au souffle épique. De là à faire de l’Appel de Cthulhu un nouveau système de jeu générique, il y a un pas que les auteurs ne franchissent pas (encore). L’ouvrage est en tout cas plein à craquer d’informations concernant l’empire byzantin et ses voisins ou son époque. Cartes, calendrier, monnaies, climat historique, tout vous sera conté pour que vous puissiez vous sentir chez vous dans la cité et ses environs. La société byzantine était assez hiérarchisée tout en se confondant dans le chaos urbain de l’époque, mais les joueurs pourront incarner toutes sortes de peuples, des Francs aux Arabes en passant par les Égyptiens. Mais en plus de ce cadre géographique, c’est toute une région s’étendant jusqu’à l’empire carolingien ou à l’Égypte qui est décrite dans ces pages, avec une minutie et une documentation qui feraient pâlir d’envie les archéologues et historiens de tout poil.
Crise de Foi
Le chapitre « Jouer à Byzance » introduit les règles dans ce nouveau décor de campagne et on y apprend l’ajout d’une nouvelle caractéristique : la Foi (3D6), qui représente l’adéquation du personnage avec les croyances et les rituels de son culte. Plus la Foi est élevée, plus elle protège le personnage des actes du Malin mais plus elle l’éloigne de la raison. Pour ceux qui accorderont quelque importance aux pouvoirs divins, cela se révélera donc une valeur précieuse. Pour les autres, il s’agira en gros d’évaluer la connaissance d’un personnage en matière de religion ainsi que l’aide morale qu’il pourra retirer de ses prières. Comme on vous le révélait ci-dessus, vos joueurs pourront incarner des ressortissants de différents peuples : Arméniens, Byzantins, Berbères, Carolingiens, Égyptiens, Juifs ou Musulmans. Au registre des occupations, on notera l’artiste, le brigand, l’érudit, le guerrier, l’homme de foi, le marchand, le médecin, le noble, le roturier et le voyageur. La liste des compétences est bien entendu adaptée.
Deux valeurs dérivées de la nouvelle caractéristique, la Foi, sont la Conviction et la Ferveur. La Conviction représente la sincérité d’un personnage vis-à-vis de ses croyances. C’est une valeur appelée à évoluer comme la Santé Mentale. La Ferveur est à la Conviction ce que l’Aplomb est à la Santé Mentale. C’est la certitude, l’adoration aveugle, qui peut protéger le personnage de tout raisonnement dangereux, comme pour accepter l’inacceptable. La Foi devient alors une valeur centrale et permet de gérer les conflits intérieurs d’un personnage entre ses actes et les préceptes de son culte. On peut aussi intégrer ces valeurs aux situations les plus classiques de l’Appel de Cthulhu : apprendre un savoir impie ou assister à des apparitions monstrueuses peut être vécu de façon différente en fonction que l’on soit ou non un bon croyant. Tout un chapitre sera également consacré à la magie, bien que son usage ne soit en rien obligatoire dans le jeu. Cela rapprochera quelque peu la magie de l’Appel de Cthulhu de celle de jeux historiques sans toutefois verser dans les excès de la fantasy. En gros, la magie traditionnelle se divise en différentes voies religieuses qui seront chacune représentée par une compétence et qui permettront l’accès à des sortilèges différents.
Une campagne en trois actes
Le chapitre « Mettre en scène Byzance » est un peu le carnet des secrets, et est de ce fait réservé au Gardien. Il propose notamment une interprétation à la fois historique et mystique des grands événements de l’époque et de la région. On y révélera toute l’importance du Bouclier de la Foi contre les incarnations du mal et les Prisons où les anciens dieux sont retenus prisonniers. Enfin, de nombreuses divinités maléfiques viendront s’ajouter aux classiques du mythe, comme Mardouk, Shamash ou Aphrodite.
Une campagne en trois actes poursuit l’ouvrage, « L’idole de la cité oubliée ». Les personnages seront confrontés dans cette trilogie à différents aspects du monde byzantin : la cohabitation avec différentes cultures, la foi et l’exploration de terres inconnues. Dans le premier scénario, les personnages devront retrouver une statuette promise à leur employeur et traverseront une bonne partie de la Carthagie, rencontrant un personnage historique célèbre. Dans le deuxième acte de cette mini-campagne, les investigateurs seront victimes de rêves étranges et seront envoyés dans un monastère pour s’y reposer, mais la malédiction de la statuette y donnera vie à leurs pires cauchemars. C’est donc pour échapper à cette malédiction que, dans le troisième scénario, ils devront ramener la statuette dans sa cité oubliée perdue dans le désert. C’est assurément une campagne de l’Appel de Cthulhu mais qui bénéficie de cette ouverture à une nouvelle époque avec un souffle épique et l’absence des repères d’un monde où la raison a triomphé des croyances. Les annexes comprennent un lexique bien pratique, une bibliographie et le traditionnel index. Une nouvelle feuille de personnage adaptée aux changements en matière de caractéristiques et de compétences est évidemment proposée en toute fin d’ouvrage.
Ce supplément enfonce de nouvelles portes pour les fans de l’Appel de Cthulhu, portes entr’ouvertes seulement avec les suppléments Étranges Époques. Le cadre historique dépasse allègrement les limites de Byzance et peut aussi bien servir pour une campagne dans l’Europe médiévale que dans le monde arabe à la même époque. Il peut d’ailleurs servir de guide de référence à une foule de jeux approchant la même époque, comme Vampire : Âge des Ténèbres. Pour les Gardiens désireux de donner du crédit à leurs archéologues tout en restant les pieds bien ancrés à notre époque, c’est à coup sûr une mine d’or d’informations diverses et variées, mais ce serait sans doute un achat disproportionné. Petit regret personnel : le nombre d’illustrations différentes est assez faible : on retrouve sans cesse les mêmes bustes ou éléments de maçonnerie presque à chaque page…
Chronique de Genseric Delpâture publiée dans le Maraudeur n°13.
Critique écrite en octobre 2014.
Les éditions mentionnées sont celles de la version originale. Vous avez décelé une erreur ou une correction nécessaire, ou encore vous souhaitez compléter la description ? N'hésitez pas à contacter la passerelle !
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