Livre à couverture souple de 336 pages.
Le livre de base contient tout ce qui est nécessaire pour jouer à Sengoku, seul ou dans le cadre d'un autre jeu de rôle. Chaque page contient une citation d'un personnage historique et un mon (blason de clan) dans le coin supérieur extérieur. Le souci du détail et la rigueur historique fournissent des informations poussées sur le contexte tout au long du livre.
La première partie de l'ouvrage contient 90 pages uniquement consacrées au Japon, son histoire et sa culture dans la période Sengoku. Un historique la décompose en trois périodes Muromachi, Azuchi et Momoyama, et donne également quelques indications sur la période Edo qui s'ensuit et ira jusqu'au milieu du 19ème siècle. Quelques suppositions permettent au MJ audacieux de bâtir un background uchronique basé sur l'inversement du cours de l'histoire à un moment donné. La géographie du Japon est également présentée carte à l'appui, avec la liste des provinces et villes qui le composent, ses montagnes, ses lacs et ses rivières. Tout l'ouvrage comporte énormément de vocabulaire japonais, et les règles de prononciations ainsi que les unités de mesures sont expliquées au lecteur occidental. Des détails géographiques sont aussi donnés sur la géologie de l'île notamment les volcans et tremblements de terre qui y sont fréquents, ainsi que le climat.
Les coutumes locales sont présentées jusqu'au plus petit détail de l'habillement ou du protocole, selon sa condition et son sexe. Qu'il s'agisse de l'alimentation, de l'étiquette, des cérémonies de seppuku, de l'honneur (surtout de la façon dont il est perçu par autrui) ou même de l'héraldique, vous n'ignorerez plus rien des coutumes de l'époque. Quatre concepts inhérents à la culture japonaise de l'époque sont expliqués en détail:
- On : la dette d'honneur.
- Gimu : l'obligation de rembourser ce qui ne peut l'être (rembourser à ses parents la vie qu'ils t'ont donné).
- Ninjo : la compassion, les sentiments tendres.
- Giri : le devoir, similaire au Gimu, mais concernant ce qui peut être remboursé comme le devoir envers son seigneur.
Ces quatre concepts sont étroitement liés et peuvent entrer en conflit, ce qui provoque les célèbres cas de conscience propres au folklore japonais.
De façon plus terre à terre, tout un chapitre s'attache à décrire les détails de la vie quotidienne : les monnaies et leur usage, le commerce, le régime alimentaire, le calendrier (et même l'almanach) et la mesure du temps, l'éducation, les jeux et les sports à la mode (dont une variante du football), le statut social, les arts et notamment la controverse sur les arts opposés à la science militaire dans l'éducation du samouraï. Tout ce qui concerne l'organisation sociale est aussi traité, spécialement la structure clanique / familiale, les lois et coutumes (mariages, divorces, maîtresse, homosexualité, enfants, etc.), les traditions liés à la mort et aux funérailles. La loi et le crime font l'objet d'une section entière. Quant au voyage, on nous présente l'organisation des routes (de la terre battue difficilement praticable par temps de pluie), ce qu'on peut trouver dans les villes selon leur taille, et les différentes contraintes du voyage. Une carte des grandes routes du Japon est fournie.
Un chapitre entier est consacré à la religion, et notamment à la dualité bouddhisme / shintoïsme qui caractérise le Japon de la période Sengoku. Depuis la cosmologie jusqu'au clergé, les deux religions sont présentées, accompagnées d'une liste des sectes bouddhistes. Le parallèle et l'assimilation culturelle des deux religions sont expliqués, ainsi que l'arrivée du christianisme à travers les jésuites, franciscains, protestants et autres occidentaux débarquant au Japon. La liste des festivals religieux qui ponctuent la vie japonaise est fournie avec la description de chacun.
La structure de la société japonaise forme un chapitre à part entière depuis la vie à la cour impériale jusqu'au système de caste qui découpe le pays avec en haut les Kuge (noblesse impériale), les Buke (noblesse militaire), les Bonge (le peuple), et les hinin (les hors-caste). On y traite également du rôle du gouvernement militaire dissocié de la cour impériale, avec le shogun à sa tête, des clans de samouraïs, des clans de shinobi, des sectes religieuses, des fanatiques Ikki, et des européens. Tout ce petit monde trouve sa place plus ou mois facilement et heureusement dans l'ordre naturel des choses au pays des huit millions de dieux. La notion de statut au sein d'un groupe est également expliquée, avec une valeur déterminant la place d'un personnage au sein d'une organisation. L'utilisation de ce statut permet d'obtenir des faveurs, et il est possible en remplissant des objectifs dédiés à certaines professions et en se faisant récompenser par son supérieur de progresser en statut. Cela reflète la rigidité hiérarchique des organisations japonaises.
La création de personnage fait une soixantaine de page, avec l'explication de toutes les compétences, talents, archétypes, etc. Un exemple complet et didactique conclut cette section afin de faciliter la compréhension. Le chapitre suivant concerne l'équipement et l'armement, expliquant en détail la structuration, la construction et l'entretien d'une armure. Une grande quantité d'armes traditionnelles illustrées sont également présentées, pour finir sur d'importantes listes d'équipement (animal, armes, objets religieux, etc.) et de services. Chacun est décrit en un petit paragraphe, expliquant son usage dans le contexte de Sengoku. De même, des explications et des règles sont fournies concernant la qualité des objets et leur fabrication. Certains objets exceptionnels crées par des artisans de renom peuvent refléter une partie de la personnalité de ce dernier, pour le meilleur et pour le pire.
Les règles du jeu basées sur le système Fuzion tiennent en trente pages. Déplacements, actions diverses, combat rapproché, monté ou à distance, ats martiaux, religion (impact de la pollution, des transgressions et des pêchés selon la religion), poison et drogues, rôle de l'environnement, soin, rôle du Karma, et bien d'autres choses encore. Ce chapitre ne serait pas complet sans une partie sur l'expérience, passage si cher aux joueurs.
Le chapitre sur la magie décrit les différents types existants au Japon, le rôle de la foi, et le lancer de sortilèges. Ces derniers sont en fait des rituels et des prières, et nécessitent des jets de compétences impliquant la maîtrise de leur religion. Toutes les règles sont présentées, accompagnées d'une quarantaine de sortilèges.
Quelques conseils permettent d'appréhender une campagne avec les serviteurs ou sbires que peut nécessiter un personnage selon son rang. Des considérations liées à l'organisation des villes et villages (garnison, population, etc.) et à l'architecture permettent de se faire une idée grâce à des explications bien fournies, des plans et des illustrations : temples, maison simple, palais, château. Un chapitre est consacré au bestiaire qui contient quelques bêtes sauvages ou domestiques, mais surtout des créatures surnaturelles issues du folklore tels que les kappa (sorte de gnome ayant la tête creuse remplie d'eau) ou encore les onis (sorte de démons).
Enfin, tout un chapitre concerne les noms... et c'est un vaste sujet. Le livre se poursuit sur une section "Inspiration contenant une filmographie, une bibliographie de livres de référence et de fictions, ainsi qu'une liste d'ouvrages de jeu de rôle, le tout est particulièrement impressionnant et exhaustif (une quinzaine de pages). Un glossaire à peu près aussi important lui fait suite, suivi d'un index d'une dizaine de pages. La toute fin de l'ouvrage contient des notes de conversion pour 9 autres jeux, et une fiche de personnage vierge.
Cette fiche a été rédigée entre le 8 mai 2000 et le 8 mai 2009.
Sengoku est un jeu incroyable, un des rares jeu qui m'ait scotché sur place la bouche ouverte avec un filet de bave qui tombe par terre. Le souci d'exactitude, de documentation, de précision des auteurs en fait la meilleure source d'information ludique sur le Japon féodal qu'il m'ait été donné de lire à ce jour. Oubliez GURPS Japon, jetez Bushido aux orties, brûlez L5R, enterrez Oriental Adventures et passez Land of Ninja au pilon. Vous avez la bible du jdr japonisant entre les mains.
La présentation est claire, le texte est didactique, même si l'abondance de termes japonais peut dérouter (ils sont tous traduits la première fois). Les dessins ne sont pas surabondants mais sont pour la plupart de bon goût sans être superbes. Quant au système de jeu, on aime ou on n'aime pas Fuzion, mais il a fait ses preuves. Et si vous n'aimez pas, toutes les options de conversion sont fournies en fin de manuel. Un gros avantage : l'ouverture. Il est possible d'y jouer n'importe quel type de personnage, du simple paysan au redoutable samouraï. Vous voulez être un tailleur de flûtes ? Pas de problème. Vous préférez jouer dans une ambiance manga avec explosions, guerriers volants, et destruction de masse ? Ce n'est pas un souci. A ce stade là, et même si l'esprit "chanbara" est privilégié, des pistes vous seront offertes pour choisir le genre de jeu qui vous plait.
Et pour le comparer aux prédecesseurs auxquels j'ai pu jouer, Sengoku est plus japonais que L5R. Moins abordable certes (il faut se taper les 336 pages du livre, les clans n'ont pas des noms ridicules d'animaux... et il y a plus de deux professions possible), mais pas moins jouable en mon sens. Il est beaucoup plus jouable que Bushido, et bien plus approfondi que GURPS Japon et Land of Ninja, parfois erronés ou schématiques, et souvent trop superficiels... et même contradictoires entre eux. J'ai longtemps cherché le jeu qui me permettait de retrouver l'esprit des films de Kurosawa, de la série "Lone Wolf", ou du roman "La pierre et le sabre". Je l'ai trouvé, et croyez-moi, il ne quitte plus ma table de chevet.
Ok, j'en fais des masses. Vous me direz que si Sengoku était si fabuleux, il aurait certainement eu un autre succès. En fait, Gold Rush Games est une petite société, et ensuite... et bien il est sorti après L5R. Et passer juste après le blockbuster du moment, ça rend les choses difficiles. Et puis, qui aime bien châtie bien : il n'y a pas de scénario d'introduction (cela s'explique sans doute par le volume déjà conséquent du jeu, et le caractère très variable du background), et ça : c'est mal.
Quoi qu'il en soit, et même si vous avez déjà votre jeu japonisant fétiche, je vous recommande de vous procurer Sengoku, qui sera certainement la meilleure source de documentation que vous puissiez vous procurer. C'est une bible pour le MJ et le fan de Japon féodal, et sa bibliographie va certainement vous surprendre. Si vous n'y jouez pas, vous aurez toujours de quoi largement épicer votre L5R du vendredi soir.
Franchement, à part l'organisation débile du bouquin, c'est un sans-fautes. Je n'y ai pas joué malheureusement, par manque de temps, mais si vous faites du Japon médiéval, c'est une mine de renseignement vraiment très pratique.
Aussi, un avantage énorme par rapport à L5R, c'est qu'il est possible de jouer autre chose que des shugenja et des samouraï, et que les propositions faites sont accompagnées d'exemples. C'est du tout bon. Mmh, pas plus à dire.
Ce jeu est excellent, j'avais essayé par le passé Bushido et lu GURPS Japan. N'étant pas un spécialiste du Japon, j'avais un peu de mal à rendre l'ambiance japonaise. Avec la foultitude de détails donnés par Sengoku, tout s'éclaire et l'ambiance est au rendez vous. J'abonde dans le sens des critiques précédentes. Les seuls reproches à faire au jeu, c'est d'abord l'organisation (en jeu, c'est vraiment pénible de retrouver tel ou tel point de règles) et je n'ai pas beaucoup apprécié la partie technique de la magie (bien trop puissante pour des PJs).
Je ne comparerais pas Sengoku à L5R, les deux jeux n'ayant pas du tout la même optique : l'un s'appuyant sur l'histoire et les films chanbara et l'autre s'affranchissant de l'histoire (et de la géographie) par un setting totalement imaginaire. Je pense par contre que les MJs de L5R pourront trouver dans Sengoku un super source d'inspiration pour plein de détails d'ambiance dans leur partie.
Livre excellent !
Le livre décrit bien le climat du japon, les armes, les progressions, la religion, l'histoire, bref, tout. En plus vous pouvez choisir entre 3 style de partie, historique (réaliste), chambara (héroique avec magie), Anime (genre Ninja Scroll). Le seul reproche est le suivant; pas assez de suppléments, c'est tout.
Mon avis : ce jeu n'est pas le meilleur jeu sur le japon médiéval, c'est le seul.
Loin de l'imagerie d'épinal de L5R et des délires d'OA, plus complet que les pourtant excellents GURPS Japon et Land Of Ninja, et avec une conception d'un univers de jeu qui ne se borne pas à des tables de rencontre comme Bushidô, Sengoku joue la carte de l'authenticité.
Cependant, il n'est pas exempt de défauts :
En premier lieu, l'organisation du livre ferait rigoler même Gary Gygax et son DMG première édition.
Ensuite, il faut aimer le système Fuzion. Personnellement j'ai détesté la gestion des dégàts, qui donne trop d'importance à la Force, et la Magie, pas très enthousiasmante.
Cependant, si le jeu est historiquement irréprochable, jamais on n'a l'impression d'être enfermé dans un carcan géographico-historique inbitable, ce qui permettra des fantaisies avec l'histoire si vous cherchez un style "Chambara" ou "Japanime/Manga". Pas un sans faute, donc, mais un ouvrage de référence, dont l'insuccès relatif face à L5R vient sans doute de la popularité du Jeu de Cartes. Définitivement, Sengoku est à L5A JdR ce qu'Honor of the Samurai est à L5R JCC.
Sengoku est LE jeu qu'attendaient tous les amoureux du Japon et de son histoire. Il rend la richesse de ce pays et de la période traitée tant dans sa présentation du monde que dans son système de jeu.
Le système Fuzion, repris et complété, est un merveilleux moteur. Il est vrai que certains points sont peut être inutilement complexes, comme la coexistence de deux types de fatigue, ou à tout le moins, surprenants (en tapant au Tetsubo sur quelqu'un, vous ne le tuez pas, vous lui faite perdre des points de fatigue...), mais cela reste le système de référence pour les JdR japonisants.
Il est toujours possible de se lancer dans une discussion pour savoir si la force est trop présente pour le calcul des dommages. Il me semble qu'il s'agit là d'une discussion sans intérêt, tant le système permet à la force pure d'être beaucoup plus secondaire que dans d'autres jeux traitant du même sujet (Cf. L5R et GURPS JAPAN). Le nombre d'options et l'importance de la technique me semblent plus important que la seule force. Tout du moins, en jouant en mode "historique". Le système de combat est à mon avis, une petite perle permettant parfaitement de rendre soit le caractère épique du Chanbara, soit le réalisme des combats "historiques".
La précision historique, mêlée avec un système efficace, font de ce jeu une perle rare. Et ce d'autant plus qu'il est parfaitement utilisable dans un cadre beaucou plus large. Ainsi, j'utilise ce système accompagné de certains points de son background depuis deux ou trois ans dans ma campagne de L5R. Le jeu a beaucoup gagné, tant en profondeur qu'en interaction. Le combat est devenu plus épique (mais pas au sens D&D du terme), plus stratégique et moins hasardeux.
Les illustrations sont le point faible de cette édition, en dépit de quelques petites perles (ah, l'illustration de la geisha...). Les suppléments sont peu nombreux, mais d'une très grande qualité, tant au niveau historique (il est de plus en plus rare de trouver des sources aussi nombreuses et intéressantes) qu'au niveau jouabilité.
En bref : que du bonheur !
Sengoku est sans conteste la meilleure source de référence rolistique sur le Japon, et pour cela, il mérite sans conteste l'admiration des foules en délires. Les amateurs du genre (fans de L5R, n'hésitez pas à vous jeter dessus) apprécieront cet ouvrage pour ses explications sur la culture nippone, les coutumes, les religions, les écoles d'arts martiaux, etc...
Reste à savoir si Sengoku est un "bon" jeu... Ayant lu les règles, et ayant participé comme joueur à une campagne, je dois dire que je suis assez partagé : l'organisation du livre de règles n'aide en rien le maître de jeu débutant qui souhaiterait maîtriser la chose. Même après de longues heures de lecture, je me pose toujours des questions sur certains points.
Cependant, lors des parties, le système s'avère moins complexe qu'il n'en a l'air, et c'est avec un véritable plaisir que l'on endosse le rôle d'un maître d'armes ou d'un ronin au grand coeur.
Comme bon nombre de rôlistes, j'ai évité Bushido et j'ai plongé sur L5A pour découvrire qu'il était tout à fait possible de faire mumuse avec des samouraïs sans rien y connaître au Japon. Et puis les lectures se sont accumulées, la filmographoe de Kurosawa a défilé sous mes yeux et j'ai commencé à ne plus supporter la légerté de L5A. Certes, il avait réussi à m'intéresser au Japon médiéval, mais son vernis était finalement très mince, avec le recul.
Alors est arrivé Sengoku, qui répondait à toutes mes questions sur le quotidien nippon. Certes, les règles ne m'ont pas passionné et je préfère encore utiliser le système de L5A qui reste très adapté au contexte. Mais que d'informations ! C'est intéressant, dépaysant et éducatif. Bref, après avoir survolé avec L5A, on peut entrer dans le vif du sujet grâce à Sengoku et se rendre compte que le Japon est bien plus complexe qu'on ne l'imaginait et surtout pas réductible à une masse de stéréotypes. Du coup, Sengoku s'impose comme LA référence. Et Rokugan fait bien pâle figure à côté de cette masse de renseignements classés et rendus accessibles.
C'est bien simple c'est la seule fois que j'ai acheté un livre de JdR après l'avoir feuilleté 1/4 d'heure en magasin.
Cet ouvrage contient à lui seul tout ce qu'il faut pour jouer au Japon durant la période "Sengoku Jidaï" (+/- 1550-1650). Tout y est, une profusion de professions, les moeurs, la culture, l'alimentation, les relations sociales etc... Le système n'est pas mal du tout, simple et brutal, ça s'inscrit bien dans l'univers proposé.
Un autre point très bien traité, le rapport au fantastique (monstres, magie) : trois "niveaux" de fantastique sont proposés et permettent au MJ de choisir celui qui lui convient le mieux entre de l'historique pur jus, un fantastique présent en filigrane et un univers où les Oni sont vraiment présents.
Un excellent jeu hélas peu connu.
Critique écrite en février 2010.
Sengoku est un jeu de rôles consacré au Japon féodal. Et quand je dis complet... C'est simple : tout est là. Vous pouvez brûler GURPS Japon et faire des origami avec les pages des deux cents suppléments de L5R : le Japon des samouraï tient dans ces 336 pages, soigneusement encadrées par une photo de Toshiro Mifune et un système de conversion pour la plupart des JdR consacrés au Japon médiéval (GURPS, L5R, Bushido, AD&D : Bryant et Arsenault annoncent la couleur, Sengoku est un ouvrage de référence).
La somme d'informations contenue dans Sengoku est étourdissante. On commence par l'histoire et la géographie du Japon, deux indigestes matières présentées ici de façon claire et synthétique. On enchaîne avec la description de la vie de tous les jours. À la lecture des chapitres consacrés à la nourriture, à la cérémonie du thé, à l'art, on ne peut qu'être séduit par l'abondance de détails particulièrement bien amenés. Par exemple, le chapitre consacré à l'alimentation nous indique ce que l'on mange... et ce qu'on ne mange pas encore : pas de sushi pour les samouraï avant la période Edo, ce serait un gros anachronisme.
Autre avantage : les multiples références à des romans et à des films bien connus des occidentaux. La série Shogun est notamment à l'honneur, et les auteurs se font fort d'en dénoncer les inexactitudes mais également d'en indiquer les passages les plus authentiques. La filmographie qui accompagne le jeu est un modèle que devraient suivre bien des auteurs de JdR : sur plus de dix pages, on trouve une liste presque exhaustive des films de sabre japonais, parfois accompagnés d'un bref résumé ! La bibliographie comprend même les JdR et suppléments consacrés au même sujet. Ce souci de l'exactitude se retrouve dans chaque page, littéralement, puisque chaque pied de page est assorti d'une citation issue de la littérature chinoise ou japonaise. Un glossaire immense regroupe les termes japonais les plus utiles. Le bestiaire, exotique et collant à la lettre à l'imaginaire japonais, est excellent.
Pour ceux d'entre vous qui n'ont pas 200 F, je vais essayer de vous rassurer en crachant un peu dans la soupe. Les illustrations vont du moyen au bof (hormis la somptueuse couverture), mais elles remplissent néanmoins leur fonction informative. À la lecture du livre, on est tellement submergé par l'aspect historique qu'on ne voit pas trop quel genre de scénario jouer. Contrairement à L5R, auquel il est impossible de ne pas le comparer, Sengoku joue la carte de l'authenticité, au détriment de la sacro-sainte storyline. Hormis les grandes figures historiques, pas de PNJ délirant à se mettre sous la dent... Regrettable, d'autant qu'on ne trouve pas ici de scénario d'introduction (il faudra attendre la superbe campagne Shiki).
Mais il sera facile, en piochant parmi la quarantaine de classes de personnages possibles, de créer des adversaires et des alliés fascinants. La création de personnages est sympathique, assortie de tables de génération de background assez pratiques quand on manque d'inspiration. On retrouve également un ensemble de défauts, les complications, qui permettent d'affiner le tout. Ici, il est possible d'interpréter n'importe quel type de perso, depuis le paysan jusqu'au moine, en passant par le sumotori ou la geisha.
Certes, le système de jeu Fuzion (un système générique à la GURPS) n'a pas le charme d'un L5R et de sa philosophie des anneaux. Mais il reste efficace, et permet de gérer toutes les situations (on peut même simuler le seppuku avec des jets de dés appropriés). Même si on est loin de la variété émouvante des techniques d'écoles des bushi de Rokugan, il ne faut pas s'y tromper : les auteurs ont choisi leur camp, celui de l'authenticité historique, et le système ne pouvait pas se permettre de trop verser dans la tendance manga.
Sengoku présente le background historique le plus complet que j'aie jamais lu. Plus qu'un simple jeu, c'est un travail de synthèse historique fascinant et extrêmement détaillé. Si vous êtes passionnés de Japon médiéval, que vous ayez l'intention d'y jouer ou non, je vous le recommande. Si vous maîtrisez L5R et s'il vous manque toujours un petit détail " pour que ça fasse vrai ", allez-y : on trouve dans ce simple livre de base plus d'infos sur le Japon médiéval que dans l'intégrale de la gamme publiée par AEG. Et si vous voulez voir comment on fait un vrai bon jeu, qui ne mise pas l'essentiel sur des secrets destinés à être révélés sur deux ans de suppléments, un jeu qui se suffit amplement à lui-même, jetez-vous sur ce joyau, vous ne le regretterez pas.
Et c'est ainsi que Shinsei est grand.
- Mirumoto Sendoshi
Sengoku s'adresse aux rôlistes qui souhaitent jouer dans le contexte très particulier du Japon "Renaissance", pendant la période que l'on appelle justement "sengoku" (1542-1600). La guerre civile fait rage, les clans samouraïs rivaux s'affrontent pour obtenir la suprématie et le titre de shogun pour leur dirigeant, et les européens font leur apparition dans les îles japonaises...
Pour ceux qui (comme moi) ne sont pas particulièrement calés en histoire japonaise, c'est la période où se situent le feuilleton Shogun et le film Les sept samouraïs. Le meneur dispose de trois axes pour ses parties : un jeu historique, sans fantastique, avec des personnages "réalistes" (ambiance des films Ran, Kagemusha, etc.). Une version plus héroïque, basée sur le genre cinématographique du "chanbara", où le fantastique a sa place (magie, créatures surnaturelles); c'est l'axe de référence du jeu sur lequel les suppléments seront basés. Et une version "dessin animé", avec toutes ses outrances (mais on sent bien que c'est pour faire plaisir aux amateurs du genre...).
Le système de jeu est basé sur un "moteur" bien rodé, le système Fuzion. Des points d'achat, un jeu de caractéristiques, une liste de compétences, des séries d'avantages et d'inconvénients... Rien de bien neuf, mais cela fonctionne correctement. Le système pour créer le passé du personnage est sympathique, avec une série de tables permettant de choisir les événements qui ont émaillé sa vie depuis son enfance jusqu'à son entrée dans le jeu.
La présentation de Sengoku est un peu austère, mais le sujet est d'une telle richesse que les auteurs ont préféré sacrifier le look à la multitude des informations présentées. La description de la civilisation japonaise est particulièrement fouillée et agréable à lire. De toute évidence, les auteurs sont des spécialistes de la question. Le texte est émaillé de remarques et de citations, de corrections d'images d'épinal et de détails "qui font vrai", qui permettront de donner au jeu sa véritable atmosphere. Si vous aimez le genre japonais, n'hésitez pas, c'est du tout bon !
Anne Vétillard - Casus Belli n°122
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