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Only after disaster can we be resurrected. (Tyler Durden)

France

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Références

  • Gamme : Shadowrun
  • Sous-gamme : SR - 2ème Édition (2054-59)
  • Version : première édition
  • Type d'ouvrage : Supplément de règles et de contexte
  • Editeur : Descartes Editeur
  • Langue : français
  • Date de publication : septembre 1997
  • EAN/ISBN : 2-7408-0147-5
  • Support : Papier
  • Disponibilité : Paru

Contributeurs

Contenu de l'ouvrage

Matériel

Livre à couverture souple de 144 pages.

Description

Supplément français pour Shadowrun, France vous permettra de mettre en place des campagnes dans notre cher pays. Construit comme un supplément de background habituel de la gamme, il présente des informations "officielles" qui sont annotées par des deckers de passage pour donner des infos que le meneur peut prendre pour argent comptant ou ignorer.

Après un survol général, l'historique du pays de 2000 à 2057 est copieusement décrit. Vient ensuite la partie géographique et sociale, avec la présentation de la société française et - région par région - les détails du pays. Un chapitre sur la capitale, Paris, vient compléter la présentation géographique. Le livre se termine par des informations techniques en rapport avec la France.

Mais voyons cela dans le détail : la France est tout d'abord présentée de façon relativement idyllique, avec un pôle touristique très fort et une sécurité que l'on ne trouve nulle part ailleurs. Toutefois, quelques problèmes percent déjà : l'ultra-sécuritarisme cache des excès et des violations de liberté, tandis que seules les zones clairement touristiques affichent le bon côté du pays.

Après plusieurs catastrophes écologiques (dont une explosion de centrale nucléaire en Lorraine), une guerre européenne (provoquée par la Russie) et différents mouvements de contestations, la France de 2057 est devenue un espèce de patchwork social où de nombreux groupes ont leur mot à dire. D'un point de vue politique, si l'oligarchie doit toujours soumettre les lois aux députés, la percée de l'aristocratie remet régulièrement sur le tapis le retour de la monarchie. Religieusement, la France est divisée entre le renouveau celtique et la montée en puissance du catholicisme. Plus de 87% des français sont croyants ! Socialement enfin, si la magie est fortement réglementée, on retrouve les mêmes problèmes qu'ailleurs : les policlubs font leur apparition et le Sixième Monde a amené des conséquences inattendues, plongeant par exemple toute la Bretagne dans une espèce de brume magique qui isole la région du reste du pays. Cette brume retient prisonniers deux millions d'habitants dont nul ne sait ce qu'ils sont devenus.

Administrativement, la France est désormais divisée en duchés. Bien que les gendarmes et la police aient théoriquement droit d'intervention dans tout le territoire, ces duchés sont en fait dirigés par les familles nobles qui maintiennent leurs propres forces de l'ordre. Quelques exceptions subsistent comme la Corse ou la Cité de Marseille. D'autres zones sont définitivement perdues pour cause de pollution. Paris est restée une mégalopole brillant de mille feux et sa zone d'influence s'est encore agrandie. Elle reste un haut-lieu de pouvoir et de tourisme, même si l'on cherche soigneusement à cacher les pauvres et la criminalité ambiante.

Enfin, les règles qui achèvent l'ouvrage décrivent principalement la magie druidique, les équipements particuliers à la France (véhicules et armes) et la Matrice française.

Cette fiche a été rédigée entre le 8 mai 2000 et le 8 mai 2009.  Dernière mise à jour le 5 octobre 2009.

Critiques

John_Archer  

Merci Tessier de nous avoir dérivé un produit Vampires pour Shadowrun.

Bienvenue en France, pays des grosbills que même Lofwyr c'est une tapette à côté. Ouais c'est nous qui avons le plus grand dragon du monde (bon il dort ok). Ouais c'est nous qui avons le grand super méchant que tous les complots du monde font partie de ses plans. Merci aussi pour toutes les conneries pondues dans ce bouquin et le retour d'un système oligarchique (qui a dit vampires la mascarade en France?). Merci aussi pour ces quelques véhicules bien bourrins et qui valent 15 fois plus cher que leurs homologues étrangers (tiens c'est au moins un truc qui colle bien à la réalité ça).

Bon j'en passe et des biens belles. Vous avez compris. France est une bouse monumentale qui aurait mieux fait de ne jamais exister.

Shaman Chat  

C'est triste pour un supplément Shadowrun. Mais je ne peux pas dire mieux. Je ne mets pas la note la pire parce que franchement, ca ne mérite pas ça non plus.

Les points positifs du supplément ?
- Certains éléments du background ont bien été intégrés. On respecte aussi certains événements.
- c'est la France, alors ça nous touche de près.

Les points négatifs ?
- La Bretagne. Top délire. L'auteur a fumé en se permettant une liberté impossible dans le monde de shadowrun.
- le système politique trop poussé vers les nobles ou la religion.
- Certains petits délires trop franchouillards (Fontainebleau par exemple, ou la France qui échappe au crash de 29).

Le style d'écriture ? Je laisse chacun juge. Tout le monde n'est pas auteur.

Et enfin, il faut savoir que ce supplément risque d'être obsolète avec la sortie de Shadows of Europe un de ces jours qui LUI sera vraiment Officiel Shadowrun.

Sylph  

Bon contrairement à nos deux collègues très critiques, je vais essayer de rester neutre.

Bon d'accord, ce supplément est loin d'être parfait (mais un supplément de jdr peut-il l'être ?). Le backgroud officiel FASA étant un tantinet chauvain (Américano-centrique si vous préférez) il semble dur de critiquer les choix faits (non pas par un mais par plusieurs auteurs qui se sont relayés pour essayer de sortir ce document).

Personnellement je suis d'accord pour dire qu'il y a des abus manifestes dans ce supplément. Un pays qui semble bien trop épargné (pas de Crack en 29, pas de pauvreté ni de violence super majoritaire...), des gros bills (Fontainebleau étant un superbe exemple de J6M bien de chez nous...) et des aberrations dans les problèmes de magacrop (siège de Renraku Europe, Place des Villiers en France et dans Fuchi France, Existence d'un Villier junior nommé Anton...).

Cependant je trouve un peu facile de tout mettre sur le dos de TESSIER. Primo il a récupéré un bébé aux pères multiples avec donc des incohérences, il ne pouvait s'appuyer sur les infos de Fasa... et dieu sait ce que l'éditeur voulait voir sortir... D'ou une note moyenne.

Enfin j'espère (on peut toujours rêver) que Shadow sorte un document officiel sur la France (ou sur l'Europe).

PC Junior  

Moi je le trouve plutôt sympa ce supplément. Certes on peut trouver mieux, mais il est aussi possible de faire pire. Je pense que la plupart des problèmes viennent du fait que l'on oublie bien souvent une petite phrase de l'introduction (que l'on retrouve dans beaucoup d'autres suppléments, mais qui ici est très largement exploitée), celle qui explique que tout ce qui est dit dans ce fichier (heu...supplément) est le point de vue de son auteur si bien que le MJ n'a pas vraiment un point de vue réel de la France de Shadowrun, mais le point de vue des runners qui l'ont écrit.

Hélas, c'est présenté de manière plus impersonnelle que dans d'autres suppléments si bien que l'on oublie très vite ce petit détail. Après c'est vrai que certains événements sont limites (la Bretagne, Nice, les corpos, etc.) mais personnellement j'ai trouvé suffisamment de flou dans les descriptions pour arranger tout cela à ma sauce. L'exemple le plus explicite est le très critiqué Monsieur de Fontainebleau, dont on présente surtout l'extraordinaire réussite. Mais sur qui il est VRAIMENT, comment il a fait, d'où il vient, rien, pas un mot, à la rigueur des rumeurs. On a juste du paraître, une jolie façade derrière lequel on peut finalement mettre ce que l'on veut. Et bien souvent, entre ce que l'on est et ce que l'on paraît, il peut y avoir vraiment de la marge. L'inconvénient de tout ce flou? Et bien beaucoup de boulot pour le MJ.

Pour conclure, prenez ce supplément comme un canevas de travail ou l'on présente une certaine vision de la France, et non une bible absolue qui donne des vérités toutes prêtes au MJ.

sk8bcn  

J'ai pas envie d'être sympa non plus avec ce supplément. Je l'avais acheté parce que Casus en a fait l'éloge. Alors je me disais : "ça m'a l'air débile quand même, une France retombée dans la royauté. Je me demande comment ils ont traité ça". Ben pire.

Shadowrun a toujours pour moi évoqué la crédibilité. En admettant que la magie puisse revenir et faire émerger du "génome endormi" par augmentation du niveau de magie, on avait un truc cohérent en interne, donc passionnant. Là, c'est abracadabrantesque. En fait, ça me fait penser à Hawkmoon. Mais pour Hawkmoon, c'est exactement dans l'esprit. Ici c'est kitsch. Tiens pour donner un exemple : je pourrais vous faire un scénar sur les prédictions de Néo-stradamus... Non mais Néo-Stradamus... ça me donne envi de pleurer. Tiens j'ai une idée de PNJ et de campagne : les joueurs n'auront qu'à s'associer avec un PNJ, Robespierrot, pour faire une révolution et prendre d'assaut une nouvelle corpo, Bastille Inc. controlée par les nobles de France.

Ce synopsis résume assez bien mon impression à propos de ce supplément.

feanor  

Le plus mauvais supplément de contexte de la gamme :

  • c'est bourré de clichés sur à peu près tout : la Bretagne, la noblesse (surtout avec ces illustrations de marquis à catogans, ridicule...), les catholiques, Néostradamus, etc.
  • de ce fait, paradoxalement, ça manque totalement de crédibilité : les créateurs n'ont aucune notion des structures de pouvoir et de société en France et ont donc du mal à imaginer ce qu'elles donneraient en 2050 ;
  • par conséquent c'est inintéressant au vu de la richesse du reste du monde ;
  • c'est mal écrit ;
  • c'est moche (ce bleu affreux, ces illustrations maladroites...).

A l'époque, je l'avais acheté et revendu dans la même semaine, c'est dire. Et pourtant, je les collectionne, les suppléments Shadowrun...

Critique écrite en mai 2009.

Solaris  

C'est clair que ce supplément pique aux yeux à la première lecture. Mais finalement, à l'usage, il se révèle pratique et très complet. La France y est décrite en détails, avec ses territoires, sa police et une petite partie sur ses possessions d'Outremer.

L'exception française est une bonne idée en soi . Mais retrouver une France limite féodale est par contre étrange, je la voyais plus se battre pour ses prérogatives républicaines, ce qui aurait pu expliquer que l'Etat reste fort vis à vis des corpos, en maintenant par exemple sa sécurité sociale et sa gendarmerie.

Toutefois il y a de bonnes idées et surtout, le livre est pratique et offre de bonnes bases (description des polices et leur complexité administrative, ça peut devenir intéressant par exemple).

Bref, pas indispensable, mais une curiosité quand même. Reste une très bonne idée que de produire un supplément sur la France. La démarche mérite donc d'être reconnue.

L'idée de l'époque devrait être reprise : avec Internet, il serait d'autant plus facile d'obtenir un supplément cohérent, en s'appuyant sur une communauté francophone bien présente.

Critique écrite en juillet 2011.

matreve  

Shadowrun France est une sorte de supplément maudit. Lancé très tôt avec la bénédiction de FASA (de mémoire, il était déjà prêt à l'époque où Hexagonal gérait la gamme Shadowrun, ce qui ne nous rajeunit pas), il a connu ensuite plusieurs familles d’accueil et papas avant de finalement aboutir chez Descartes pour que son père spirituel – FASA, proche de la faillite à l’époque – ne finisse par le renier lui aussi. Ce destin maudit de vilain petit canard à peine sauvé par la chouette couv de Manchu se ressent tout au long de la lecture.

Et pourtant, le postulat de départ de ne pas en faire un pays où tout est dark et où il n'y a plus d'espoir offrait une perspective intéressante par rapport à l’exercice de style local allemand, beaucoup plus sombre.

Le mélange obtenu est curieux entre démocratie et retour de la royauté, tolérance et lois totalitaires. A l’arrivée, la démonstration n’est tout de même pas très convaincante et on peine à vraiment accrocher avec les évolutions présentées. Quitte à rentrer dans le délire « retour de la royauté », j’aurais apprécié que le côté aristocratie, Cour et intrigues soient amenés de façon plus fine et plus marquée. Bref, la monarchie est peut-être revenue mais tout cela est bien pâlot.

Le propos est en revanche plus réussi quand il s'agit d'évoquer tous les secrets, mystères et autres phénomènes étranges qui font de Shadowrun un jeu si riche. Les auteurs ont déployé pas mal d’idées même si ça part dans tous les sens. Dans le détail, on peut citer la Brume qui s'est abattue sur la Bretagne, impénétrable et qui n'a pas toujours révélé sa nature ; le Grand Dragon d'Auvergne qui a réveillé les volcans, au passage fait de Clermont-Ferrand la nouvelle Pompéi, mais sommeille toujours ; l'énigmatique M. de Fontainebleau, une des personnalités les plus en vue et qui semble entretenir d'étranges relations avec l'astral, et ainsi de suite. Le sentiment foutoir et incohérence avec le reste de l’univers Shadowrun persiste mais avec beaucoup de travail, on doit certainement pouvoir en faire quelque chose.

Et les corpos ? Ben, elles ne sont pas vraiment à la fête : l'Etat est resté fort et contrôle avec circonspection leurs activités. On découvre aussi celle du cru national et c’est marrant de naviguer dans des noms de notre paysage économique, quoique périmé pour certains (j’y reviens plus bas)…

Au final le décor est un peu terne : j'aurais préféré un Paris beaucoup plus déjanté alors qu'il est bien sage et aucun grand lieu de la Capitale n'est exploité d'une façon un peu déroutante. De même pour les régions, les descriptions sont convenues alors que je m'attendais à plus de fantasy dans un pays où la magie (hermétique comme druidique) est devenue si présente. La matrice, elle aussi, alors qu'elle a connu un développement en parallèle de celles des autres pays, leur ressemble beaucoup alors que bousculer les idées courantes dessus aurait bien mieux justifié cette idée saugrenue de ne pas avoir été touchée par le virus de 2029.

En conclusion, je ne peux m'empêcher de faire la comparaison avec cette autre création nationale pour un jeu américain qu'a été Le Monde des Ténèbres : France. Tous deux se situent dans cette même veine où la réalisation est certes pro mais manque de souffle, suite à un travail collectif où il ne manque aucun ego mais en revanche cruellement un responsable éditorial en charge de lier le tout. Le temps depuis cette édition a rendu sa sentence : elle a mal vieilli puisque notre dure réalité économique contemporaine a déjà rayé certains de nos fleurons (Matra, Alcatel) et surtout cette version locale mal aimée depuis les origines a depuis été contredite par l’Europe des Ombres.

Est-ce que tout est en définitive à jeter ? Non sinon la note aurait été la sanction à 1 ! Je vois mal certes de traditionnelles shadowruns tant le décor s'y prête mal : corpos étouffées, ambiance peu cyberpunk, police partout (justice nulle part). Mais il y a certainement des morceaux de mythologie de notre pays à reprendre dans le metaplot shadowrunien entre Dragons, Elfes et Magie et autres secrets de cet univers encore largement ouverts pour ne pas condamner complètement ce supplément.

Critique écrite en janvier 2012.

 

Douce France...

Ce supplément était attendu depuis longtemps par les meneurs de jeu français, mais également par ceux pour qui le monde ne se résume pas à une vision américanocentriste. Plusieurs années après l'Angleterre, l'Irlande et surtout l'Allemagne, la France est enfin décrite, comblant avec maestria un vide certain au niveau politique, diplomatique et économique.

Une histoire troublée

L'histoire de la France du XXIe siècle est riche et troublée. D'ailleurs, la chronologie exhaustive (qui couvre tout un chapitre) est l'un des éléments les plus intéressants de ce supplément, et ce pour deux raisons : la première est d'expliquer l'état de la France en 2057, la seconde de compiler les chronologies parues dans tous les suppléments nationaux (UCAS, Nations indiennes, TTG, etc.) et d'en faire une synthèse concise. On en apprend donc beaucoup plus sur l'Europe et le Moyen Orient que dans tous les ouvrages sur Shadowrun parus à ce jour. Cela constitue une véritable prouesse tant le background officiel américain laissait à ce sujet joueurs et MJ dans le flou artistique. Ce chapitre justifie à lui seul l'achat du supplément, et tout meneur de jeu de Shadowrun devrait au moins en connaître les grandes lignes afin de mieux maîtriser le Sixième Monde.

La France, comme à son habitude par le passé, a réagi aux troubles par un pouvoir fort masqué par l'état d'urgence. Le colbertisme bien de chez nous a permis à l'État de rester fort et de se prémunir contre les corporations. L'émergence de la magie a poussé le peuple à se réfugier dans le catholicisme pour trouver des réponses à l'inexplicable, ce qui a permis à l'Église de retrouver une place très importante. L'arrivée des Métahumains n'a pas déclenché de réaction xénophobe, au contraire le concept de France terre d'accueil a pleinement fonctionné. Après un cycle accéléré, et bien français, alternant manifestations populaires et répressions policières, la république qui ne l'était plus que de nom a fait place à une oligarchie. Les aristocrates ont repris les rênes du pouvoir, épaulés par l'Église catholique et par les druides. Ce mélange constitue un subtil équilibre de pouvoirs antagonistes qui semble profiter aux classes dirigeantes sans trop nuire au peuple.

Un pouvoir indépendant et musclé

Contrairement à la plupart des pays européens, comme l'Allemagne et l'Italie, qui se sont balkanisés à outrance, la France est restée presque unie et indivisible. L'État est toujours puissant et fort, comme en témoigne son armée et surtout ses forces de l'ordre. Si l'on y ajoute une censure intransigeante et une milice, toutes les deux au service de l'Église catholique, cela donne un des États les plus totalitaires du monde de Shadowrun. Sans être une dictature, la France n'est plus (si tant est qu'elle le fut vraiment un jour) le pays des droits de l'homme et de la liberté. Cela est d'autant plus vrai si l'on ajoute une justice à deux vitesses selon que l'on est aristocrate ou homme du peuple.

Une économie sous contrôle

La France ne compte aucun triple A, mais dans ses secteurs de prédilection comme le luxe, la mode, la nourriture, l'armement et le vin, elle possède des corporations sans égale dans le monde. L'informatique est devenue un des points forts du savoir-faire français grâce à une conception très centralisée de la Matrice qui a permis d'échapper totalement au krach de 29. Les mégacorporations ne sont donc pas toutes-puissantes et doivent négocier avec le gouvernement le droit de s'installer. Cela est tout à fait logique dans un État revenu à la féodalité de ne pas tolérer la féodalité corporatiste, et le contrôle de l'économie par le gouvernement a toujours été une spécialité gauloise.

Politiquement pas clair

"Shadowrun France" n'est pas une traduction, c'est le premier supplément de création française pour ce jeu, et sa gestation a été plutôt longue et difficile. Après avoir connu plusieurs moutures et être passé entre les mains de différents auteurs, il a finalement abouti entre celles de Philippe Tessier (l'auteur de Polaris) qui a été chargé d'en finaliser la version définitive. Il s'en est sorti avec brio, bien que les versions précédentes apparaissent encore en filigrane. Enrichissante d'un point de vue créatif, cette "cuisine" nuit parfois à la cohérence de l'ensemble. Des erreurs parsèment le livret, comme par exemple le "tout nouveau char Lafayette" qui est déjà mentionné comme tout nouveau en 2030, M. de Fontainebleau dont le titre varie de comte à duc, et pourquoi avoir conservé l'ECU alors que la monnaie européenne est désormais l'Euro. Un problème plus grave concerne la politique. La France est une oligarchie (gouvernement d'un petit nombre), mais le texte fait souvent référence à une monarchie (gouvernement d'un seul). Oligarchie est le terme officiel puisque les forces de l'ordre sont constituées entre autres de la police "oligarchique" et que partout l'on parle de la France et de son gouvernement comme étant l'Oligarchie. L'armée, par exemple, n'a donc aucune raison d'être appelée armée "royale". Certes, les royalistes espèrent bien faire de la France un royaume à brève échéance, mais on n'en est pas encore là. Et divers passages montrent que ces incohérences sont des résurgences d'une version antérieure du texte... A vous de rectifier.

La fracture régionale

En plus de la description générale de la France, un chapitre entier est consacré aux régions de notre douce France, découpées en duchés. Dirigés bien évidemment par une famille ducale, certains sont des petites dictatures rurales, d'autres des havres de paix champêtres. Ils sont suffisamment autonomes pour avoir leurs propres forces appelées armées ducales.

Tous les duchés, de France et de Navarre, sont décrits mais tous ne sont pas traités à la même enseigne. Les plus développés ont droit à plusieurs dizaines de lignes voire plusieurs pages, les autres ne se voient accorder qu'un entrefilet. Mais cela suffit, malgré cette description inégale, à donner une vision assez précise de la France du XXIe siècle, d'autant plus que grâce à son État centralisé et dictatorial, les frontières sont quasiment les mêmes qu'à notre époque.

Les régions suffisamment exceptionnelles pour être décrites plus abondamment apportent à l'ensemble une réelle touche de magie et de créativité. Citons entre autres la Bretagne celte et sa brume magique, l'Auvergne noyée sous les cendres et son dragon endormi dans un volcan, le Mont-Saint-Michel et sa cité sous-marine, la région toxique de Lorraine, et Marseille. La cité phocéenne a sombré dans le chaos organisé ; une enceinte l'entoure désormais, ce qui lui donne un petit côté "New York 1997". La violence y est telle que tout le monde est armé, la loi n'existe pas et la force est l'unique moyen de se faire respecter. Le gouverneur, représentant de l'Oligarchie dans la ville, utilise senseiblement les mêmes méthodes que les gangs, mafias et autres groupuscules illégaux. En clair, Marseille peut devenir un paradis pour shadowrunners si le meneur de jeu se sent inspiré. La description est malheureusement beaucoup trop courte pour être autre chose qu'une source d'inspiration. Mais souhaitons que Descartes Éditeur exploite rapidement cette bonne idée et produise un supplément sur cette cité digne de Berlin dans le supplément allemand ou de Denver.

A part ces duchés particuliers et autres endroits bizarres, force est de reconnaître que l'ensemble de la description des régions est assez répétitive. Certes tous les duchés ne peuvent être aussi originaux que l'Auvergne engloutie ou la Bretagne celte, mais il aurait été intéressant d'exploiter certains des particularismes régionaux qui donnent à la France son caractère si mélangé et coloré. Les Basques, les Corses, les Alsaciens par exemple ont des origines suffisamment uniques pour justifier, au moins autant que les Bretons, d'un éveil particulier dans le Sixième Monde...

Paris, ville de lumière

À tout seigneur, tout honneur, Paris reste la capitale centralisée de la France, malgré les pouvoirs importants des ducs et donc des régions. Siège du gouvernement et de la plupart des grandes sociétés françaises, la mégapole s'étend désormais sur les trois quarts de l'Île-de-France et regroupe une partie importante de la population du pays. Pour ne pas faillir à sa tradition, les bâtiments modernes ont été relativement bien intégrés dans le paysage urbain et Paris conserve son cachet unique. La ville est découpée en vingt arrondissements et plusieurs dizaines de districts qui regroupent l'ancienne banlieue. Toutes ces zones sont d'intérêt et de niveau de sécurité variables, comme à Seattle, mais il faut constater que les forces de l'ordre ont réussi à éviter le pire et que Paris est presque une ville agréable.

Les sous-sols parisiens ont également droit à leur description et constituent un des points les plus originaux de la capitale, qui en manque cruellement par ailleurs. En effet, bien que très construit et détaillé, le Paris du XXIe siècle souffre d'un manque de caractère, et suscite moins d'envie de s'y retrouver pour jouer que Berlin ou Denver. Dommage qu'il n'y ait pas eu autant d'idées et de créations originales que pour la Bretagne ou la Camargue, car les meneurs de jeu devront travailler pour donner du piquant à Paname.

Impression générale

La France ajoute une pièce maîtresse au grand puzzle du Sixième Monde. L'Europe y apparaît enfin clairement, ainsi qu'une partie du Moyen Orient, et les meneurs de jeu vont se sentir plus à l'aise pour décrire l'actualité internationale ou pour imaginer des intrigues mondiales.

Côté forme, Shadowrun France, malgré une couverture de Manchu, est desservi par des illustrations intérieures minimalistes, peu évocatrices, entre storyboard et dessin animé de consommation courante... Côté fond, la juxtaposition du travail de différents auteurs donne parfois un sentiment de patchwork.

Mais ces détails ne masquent pas la qualité et la richesse générale du supplément. Indispensable bien évidemment pour toute personne désirant évoluer dans l'Hexagone, sa lecture est suffisamment intéressante pour justifier son achat même si l'on ne veut pas jouer en France. Ce pays devient un des environnements de jeu les plus variés et les plus originaux. Et vive l'oligarque... non, pardon... vive le roi !

Mathias Twardowski - Casus Belli n°110

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