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Delpâture, Genseric
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Un jeu de rôle basé sur les grandes thèses philosophiques ? Voilà qui méritait que je m'y arrête. Las, quelle déception. Tout d'abord parce qu'en lieu et place de philosophies, l'auteur ne nous parle que de Witgenstein au mépris d'un bon millier d'autres philosophes et ensuite parce qu'il s'agit plus de religion que de philosophie, deux choses qui, au fil de la tyrannie intellectuelle du judéo-christianisme, se sont peu à peu confondues.
L'auteur avance ainsi que le système du jeu de rôle (un maître, des joueurs) est judéo-chrétien. Désolé, mais c'est le principe judéo-chrétien qui est humain. N'oublions pas que l'homme a créé Dieu à son image. Et d'ailleurs, il en créé, des dieux. Des tonnes. Presque autant que de suppléments à la gamme D20.
Bref, le jeu peut intéresser beaucoup de gens et n'est pas mal rédigé du tout, mais je m'offusque quand on prétend qu'il a un impact dans la réalité.
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Eric Evin
Si Romaric Briand s'appuie essentiellement dans sa préface et dans le début du livre sur les pensées de Wittgenstein, quel est le mal de la part de l'auteur de croire en ses thèses et de vouloir partager son inspiration ? C'est au contraire honnête de sa part d'expliquer clairement sa vision des choses, et ce qui l'a amené à les voir sous cet angle. Son but, je crois, est de nous proposer un jeu de rôles, peut-être un peu plus original, un peu plus riche philosophiquement...
Ce jeu a-t-il un impact sur la réalité ? Évidemment. Comme toute activité humaine. C'est avoir beaucoup de mauvaise foi que de ne pas vouloir l'admettre. Son premier impact est de divertir des joueurs avec un univers riche, et un système de jeu original qui pousse les joueurs à se servir encore plus de leur imagination, en créant une véritable ambiance. Et c'est là qu'est l'aspect philosophique de ce jeu, et l'impact encore plus important sur la réalité, c'est-à-dire sur les joueurs eux-mêmes, c'est que d'une manière ludique, le thème du jeu amène à se poser des questions, à réfléchir ! Les jeux de rôles ont toujours permis aux joueurs de se tester eux-mêmes. Cette activité est un excellent vecteur de "sociabilisation", c'est un bon moyen pour aider à se développer, à se construire. Et la grande force de Sens, c'est qu'en plus de ce que font les autres jeux de rôles, celui-ci permet d'en prendre conscience, de se poser la question "Quelle part de moi ai-je insufflé à mon personnage ? Pourquoi ?".
Bien entendu, Sens est avant tout un jeu de rôles, excellent même, et si les joueurs n'ont pas envie de philosopher, ils peuvent très bien n'y voir qu'un très bon jeu futuriste à la Matrix, Métroid et autres... A l'instar des oeuvres de science-fiction, sources bien souvent de réflexion sur nous-mêmes et notre réalité, mais qui sont avant tout un bon moyen de divertissement, Sens nous offre des aventures palpitantes, et permet à ceux qui le souhaitent d'aller plus loin.
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Rob EDELJI
Bien que je connaisse le jeu depuis quelques temps (ayant fait une interview de son auteur pour un making-of de l'e-zine "Jeux d'Ombres") je n'ai fait ma première partie que le week-end dernier. Mais j'ai pu prendre la pleine mesure de ce qu'offre Sens Hexalogie !
Après avoir lu le livre de base, mon avis était très mitigé ; autant j'étais fasciné par l'intention philosophique, autant je ne me rendais pas compte des possibilités du système, que je craignais assez ennuyeux pour des rôlistes habitués au bruit suave des dés roulant sur la table, avec le suspens qui va avec.
Mais une fois dans la partie, on ne peut plus décrocher : le système est, en effet, le plus immersif qu'il m'ait été donné de connaître. Quand on s'embarque dans un scénario, on ne peut plus le lâcher avant la fin... D'ailleurs, même après la fin du scénario, on a du mal à décrocher... On veut passer à la suite, découvrir d'autres choses. Le plus important, dans ce que j'en ai ressenti, c'est que l'interprétation des personnages supplante tout le reste : le monde dans lequel on joue n'est - à mon "sens" - qu'un prétexte pour réfléchir, pour faire se mouvoir son simulacre
(son personnage) et surtout, pour vivre des aventures réflexives !
Le thème du divin peut aussi paraître déstabilisant, mais il ne s'agit pas de s'incliner devant la puissance de Dieu :
Dieu n'est pris ici que dans une optique purement philosophique.
L'auteur, en donnant un ton mégalo à son livre, souhaite justement une réaction forte de la part du lecteur (futur meneur) et des joueurs pour qui il dirigera des parties : d'abord, les joueurs sont les champions du libre-arbitre face à celui qui veut contrôler l'avenir, le temps, et les faits et gestes de tout un chacun. Pire qu'un état policier, l'antagoniste des joueurs veut instaurer le déterminisme : il ne veut pas seulement savoir tout : il veut décider de tout.
La partie a donc comme premier enjeu un duel entre les joueurs et le meneur de jeu, celui-ci devant cependant les soutenir dans leur lutte contre les manipulations de l'antagoniste (qui s'appelle lui-même Sens) cherchant à manoeuvrer pour contrôler la volonté des joueurs comme de leur personnage. Première question philosophique : la liberté existe-t-elle ou n'est-elle qu'une illusion ?
Le déterminisme n'est cependant pas la seule question que pose le jeu : le rapport des joueurs et des personnages à la réalité est également un des points forts du jeu. Qu'est-ce que la réalité ? Un espace fictif peut-il devenir réel ? Le réel n'est-il lui-même qu'un espace fictif ? Voilà d'autres questions que peuvent (et doivent) se poser les joueurs de Sens. Ainsi sont-ils amenés à faire preuve du plus grand réalisme possible dans l'interprétation de leur personnage... Afin de gagner des "points d'immersion" qui leur permettront de défier cette réalité en intervenant (en tant que joueurs) dans le destin de leur personnage pour leur faire réaliser des exploits héroïques et autres prouesses fantasmagoriques. Ce système des "points d'immersion" est le point fort du jeu !
Il permet en outre une réflexion tout-à-fait intéressante sur l'intrusion d'entités extérieures à une réalité dans celle-ci : les joueurs, finalement, sont-ils les véritables "dieux" du monde de Sens ? On peut le croire, car le système leur permet littéralement de faire bénéficier à leur personnage de miracles "divins" !
Les personnages eux-mêmes ne peuvent comprendre ce qui leur arrive ; car l'événement miraculeux dépend des références du "background" du joueur, et non de celui du personnage. Pour prendre un exemple, j'avais mis sur ma fiche que j'étais passionné par le cinéma. Grâce à cela, et à la dépense d'un "point d'immersion", je décide de faire accomplir à mon personnage un exploit digne d'un pouvoir de Jedi : il va tenter d'user de télékinésie pour projeter un drone contre le mur... Or, mon personnage ignore jusqu'à l'existence des films "star wars", et ne peut donc en aucun cas comprendre ce qui lui est arrivé, ce qu'il est parvenu à faire...
Le joueur, par l'intermédiaire de son "simulacre" (son personnage) explore une autre réalité. Mais son personnage lui-même doit explorer une réalité différente de celle qu'il connaît : l'ombre-monde. Mais là intervient la subtilité ; tels les triangles surréalistes en 3 dimensions des célèbres illusions d'optique, les réalités imbriquées sont en trompe-l'oeil : en effet, l'ombre-monde devient une réalité supérieure à la nôtre, de reflet, il devient modèle, et va même jusqu'à se confondre avec notre propre monde (celui des joueurs). Ce qui nous amène une nouvelle fois à nous poser la question de la réalité en tant que perception illusoire, plutôt qu'en tant que vérité érigée en absolu.
Enfin, dernière réflexion, qui est d'ailleurs applicable à tout jeu de rôle, dans l'optique qui est ici montrée (mais qui est particulièrement accentuée dans ce jeu-ci) : le libre-arbitre des personnages... Effectivement, ceux-ci n'ont aucune liberté, puisque tous leurs actes sont décidés par les joueurs, dans une réalité "supérieure" (peut-on la considérer comme telle ?). Le paradoxe est phénoménal : leur but est de se battre contre l'Empire d'Omicron, leur antagonisme au sein de leur propre réalité, afin de lutter contre le déterminisme et l'omniscience. Ils luttent donc pour la liberté, et pourtant... Ils n'en ont aucune !
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jayce
Pour ma part j'ai joué un an à Sens, avec son auteur pour maître de jeu, merci encore Rom.
Voila un Space Opera (oui je suis assez réducteur) avec des PnJ charismatiques, avec une histoire complète et dans lequel on a réellement un rôle à jouer. Youpi !
Il y a plusieurs façons d'aborder un jeu de rôle, et cela aura été pour moi une épopée fantastique. Je ne suis pas forcément d'accord avec les gens qui désirent s'arrêter sur l'aspect théologique, métaphysique ou tout autre mot rimant avec ces deux premiers.
Comme tout jeu de rôle, le maître nous pose un cadre et nous narre l'histoire dont nous sommes les acteurs, c'est à nous après en effet de faire la part des choses, de penser en bug et de sauver le monde, chose qui n'est pas évidente à faire tous les jours !
A aucun moment je ne me suis demandé si les actes de Fëanor (oui je manquais cruellement d'inspiration le jour ou j'ai créé mon perso) suivaient les principes de tel ou tel auteur, j'ai cherché ce qui était le mieux sur le moment comme tout bon joueur le ferait.
Voila, ma seule déception sera de ne pas avoir eu l'occasion de continuer après cette année de jeu, Sens m'ayant marqué.
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garnier
Un petit message pour parler de Sens,un jeu qui m'a bien fait plaisir. Je sais que certains sont un peu repoussés à l'idée d'un livre de jeu qui se revendique philosophique et qui se lit comme un roman, mais faites un effort, ça vaut le détour. Pour plusieurs raisons.
Tout d'abord l'univers est tout de même intéressant. Et le fait que le maître de jeu puisse vraiment "mettre sa patte" aux scénarios est un vrai avantage.
Quant à la philosophie du jeu, c'est, je l'avoue, ce qui m'a le plus emballé. Dans un scénario un peu horrifique à la "alien", à un moment où un quadria (l'une des entités belliqueuses du jeu) apparaît, on se retrouve à se demander ce qu'est un quadria, ce qui le différencie d'un humain, et finalement ce qu'est un être humain (c'est un exemple comme un autre évidemment). Tout cela donne une saveur particulière à de nombreuses parties, qui ne se contentent finalement pas d'un simple "level up".
La fiche de personnage est assez simple à remplir, avec un système de fait efficace.
En bref, ce jeu de rôle m'a emballé, de la simple partie, à la lecture du livre en lui-même, un peu schizophrène, où un traducteur découvre, comme vous, Sens...
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Fluvius
Je ne dirais qu'un "mot" : Sens est sûrement le jeu de rôle le plus brillant que je connaisse. Le travail de l'auteur est absolument remarquable. C'est sans conteste un jeu incontournable que tous les amateurs de JDR doivent connaître et surtout jouer !