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Le bon, la brute et le meneur de jeu

Grant Dalgliesh et les 40 ans de Hârn

Par PM

Rubrique : Interviews
Date : 05 mars 2023

Hârnworld est un univers de jeu publié pour la première fois en 1983, et poursuivi sans interruption depuis par les mêmes intervenant, via deux éditeurs*, et dont le module de base a été traduit en français chez Chibi. L'éditeur historique Columbia Games a lancé une campagne de financement participatif pour une édition spéciale pour les 40 ans du jeu, et à cette occasion s'est prêté au jeu de l'interview en la personne de Grant Dalgliesh, actuel responsable de la société et fils du co-créateur Tom Dalgliesh.


Vous avez lancé un Kickstarter pour l’édition 40e Anniversaire de Hârnworld. Cela m’a mis un coup de vieux.

Moi aussi. J’avais 7 ans quand mon père a lancé la gamme et depuis j’ai été l’essentiel du temps impliqué dans le milieu. Je me souviens de mon premier travail, c’était un produit qui s’appelle Pilot’s Almanac, je pense que c’était 1988. Mon père nous avait donné, à un copain et moi, le travail de calculer les statistiques de toutes sortes de navires spécifiques pour la région, et on avait fait ça avec l’équivalent d’une feuille de personnage pour les bateaux. C’était à nous, à l’age de 13 ans, de faire tous ces calculs. C’était la première contribution que je considère importante. En fait cela m'a occupé toute ma vie, donc moi aussi, ça me fait un coup de vieux. C’était 40 bonnes années, j'espère pouvoir continuer pour encore 40 ans.

J’ai cru comprendre que Tom Dalgliesh avait arrêté de s’occuper de Columbia.

Pas exactement. Ça approche, il a 78 ans et travaille de moins en moins, mais nous sommes encore partenaires et nous continuons à travailler ensemble tous les jours. C’est super d’avoir pu travailler avec mon père pendant tout ce temps. Ce n’est pas tout le temps idéal, les dynamiques de familles sont bien connues, mais si on prend tout en compte, le bon et le mauvais, c’est merveilleux.

Pour revenir aux sources, est-ce que le monde existait déjà auparavant ou a-t-il été développé pour la publication.

Non, c’était un projet entre mon père et les auteurs, et le créateur original Robin Crossby. Il avait créé le concept du monde, il avait les cartes de Hârn, les jolies cartes qu’il avait dessinées lui-même, avec ses stylos (aujourd’hui on fait ce genre de choses avec des ordinateurs). On a travaillé ensemble au sens où les idées originales nécessitaient du travail pour être rassemblées en un système logique. Ils ont travaillé ensemble, mais je pense que c’est mon père, qui est historien et a une passion pour l’histoire médiévale, qui avait le désir de créer le côté spécifique qui est la sensation de réalité de Hârn, le côté réaliste et vivant proche du moyen-âge en Europe. Mr. Robin Crossby avait des idées, des ressources sur le monde, avec les cartes, les royaumes, les noms comme Kaldor,… mais l’idée d’en faire un monde réel, avec les détails, viennent plus de mon père et d’un autre monsieur nommé Ed King, qui étaient partisans de cette approche.

Au moment où Hârn a été publié, l’idée de créer Hârnmaster était-elle déjà dans les tuyaux, ou est-ce venu plus tard.

Un peu des deux. Il existait dans les fichiers de Robin Crossby. Au début l’idée était d’un monde que l’on puisse utiliser avec n’importe quel système, c’était l’idée originale, mais les utilisateurs de Hârn nous disaient qu’ils voudraient un système de jeu qui collait plus, aussi bon que le monde. C’est ainsi que Hârnmaster s’est développé à partir des fichiers de Robin Crossby, avec des apports de mon père pour le rendre plus utilisable. C’était en 86, il n’y avait pas de système dédié durant les trois premières années, mais c'était déjà « dans les tuyaux ». Un système un peu dérivé des idées de systèmes de l’époque, avec des dés de pourcentage pour la résolution des actions, pour les combats avec un jet pour l’attaque et un pour la défense, et pour voir les blessures effectives. Un grand niveau de détail, que je trouve fascinant pour les choix que cela ouvre dans une bataille, des choix qui ont des conséquences. Mais bon. Certains joueurs utilisent Hârnmaster, d’autres leur système préféré, et l’important est l’esprit du monde. L’idée de HârnWorld, c’est le lieu, le monde, l’idée de jouer dedans est de prendre le rôle de quelqu’un de n’importe quel niveau, du paysan dans un village, ou plus haut jusqu’au roi d’un royaume ou un des membres de son cercle. On peut jouer n’importe qui et il y a suffisamment d’informations dans le livre du monde pour bien prendre ces rôles, et que cela soit réel, vivant.

Nous avions créé le monde, un monde médiéval, avec de très jolies cartes du monde, des villes, des édifices, c’est toujours cohérent. D’un hexagone de la carte du monde à celle d’un royaume ou d’une ville, et c’est assez génial de voir le monde comme à travers une encyclopédie, avec beaucoup d’informations. Et les joueurs font partie du monde, avec des millions de choix. C’était l’idée de Mr. Robin Crossby et mon père dès le début de créer ce monde avec beaucoup d’opportunités pour l’utiliser, avec différentes sortes de royaumes, de régions, avec une qui fait plus penser à la république romaine, une plutôt viking, tout cela se mélange dans ce monde, et on peut jouer dans le style que l’on veut. On a écrit beaucoup d’histoires qui expliquent pourquoi le monde est comme il est à l’instant présent, avec l’idée très importante que l’on n’écrit jamais ce qui arrive après l’année 720, le Présent de Hârn, c’est aux joueurs d’écrire cette partie de l’histoire.
En 720, il y a plusieurs grands événements qui pourraient se passer dans chaque région, avec des indices sur ces événements, et c’est aux joueurs de choisir. C’est un peu unique, cela fait 40 ans qu’on écrit, qu’on ajoute des choses et ça reste toujours cohérent. On n’avance jamais l’horloge.

Comment présenteriez-vous Hârn à de nouveaux joueurs.

Les choses que je peux vendre sont pour la plupart destinées au MJ. C’est à moi de savoir ce qu’il aime. Donc d’abord j’essaie de savoir à qui le m’adresse. Disons que ce soit à un MJ, quelqu’un qui aime raconter des histoires, la personne plus susceptible d’être intéressée. Hârn est un monde ludique que l’on peut utiliser en tout ou en partie, aussi petite soit-elle, avec une structure permettant de jouer n’importe quel type d’histoire, de n’importe quel style, dans un monde médiéval. Et il est très cohérent, c’est son point fort. Tout y est homogène, présenté sous un même format, avec une histoire qui dessine un monde crédible, présenté comme dans une encyclopédie, un atlas, avec de nombreuses données, toujours là pour aider votre histoire, et une énorme somme d’informations pour répondre aux questions que poseraient les joueurs ou pour rendre l’histoire plus crédible, votre histoire, toute histoire que pourra engendrer votre imagination. Il y a là une somme d’idées, la base d’un monde décrit à un moment donné, avec son passé, des accroches de scénarios, dont vous pouvez prendre ce qui vous intéresse pour que vos joueurs aiment les histoires qu’ils y vivront. Je ne vais pas essayer spécifiquement de vendre Hârn à des joueurs, je me contenterai de leur faire jouer une partie, axée sur une bonne histoire, du roleplay et moins sur la mécanique et les règles.
L’idée de départ était d’avoir comme un tableau pour l’utilisateur pour faire toutes sortes de choses créatives, et c’est presque idéal si on veut l’adopter pour un certain temps, s’y investir. Il y a un bon retour sur cet effort, car plus on connaît le monde, plus il est addictif, on s’y intéresse de plus en plus. Pour moi, c’est vraiment génial, les gens qui m’en parlent sont vraiment contents et pleins d’enthousiasme. J’ai accepté l’idée qu’il y a des gens pour lesquels ce n’est pas idéal, peut-être trop réaliste pour leur goût, mais ce n’est pas un problème. Les gens qui aiment le plus HârnWorld sont des joueurs adultes qui ont joué pendant longtemps, et trouvent que l’histoire, le réalisme sont de bonnes choses. Le plus difficile est de trouver ces joueurs, la plupart sont plus intéressés par les héros plus grands que nature, l'héroic fantasy.

HârnWorld est souvent catégorisé comme ayant très peu de magie, et c’est très bien pour certains. Mais en réalité, dans le monde d’Hârn, la magie est rare, mais elle n’est ni faible ni limitée. Il existe des histoires de puissants sorciers. Elles ne sont pas courantes : souvent ceux qui aiment la magie pensent que ce jeu n’est pas pour eux. En fait, la magie est adaptable à votre vision, dans Hârn. À la GenCon nous avons un jour joué une partie dans laquelle tous les joueurs étaient des sorciers. Des sorciers puissants. L’un de leurs confrères avait exploré des domaines qu’il n’aurait pas du, fait des choses qu’il n’aurait pas dû. En conséquence, il a été déclaré renégat et notre mission était de le retrouver. Nous maîtrisions des sorts de haut niveau, des magies puissantes, avec les possibilités de déplacements magiques, de boules de feu, etc. Mais en contrepartie nous devions éviter d’attirer l’attention, car le jeu reposait beaucoup sur la subtilité. La magie est donc rare mais puissante. Ce cliché de Hârn comme monde faiblement magique n’est donc pas vraiment justifié. La réalité est que vous pouvez faire ce que vous voulez comme high-fantasy. Il y a des traditions, des ordres de magiciens, les Shek-Pvar, avec leurs règles, leurs objectifs, etc. Tout est décrit dans la littérature du monde, crédible en tant que partie de cet univers, et possiblement très puissant.

Une autre chose intéressante est la présence, au cœur même de Hârn, dans la région d'Araka-Kalai, d’une véritable fabrique de monstres. Il y a un dieu dont toute l’activité consiste à créer des monstres et les envoyer écumer le monde, et quand ils sont tués, leurs âmes sont recyclées pour donner de nouveaux monstres. C’est un artifice littéraire permettant de créer des monstres, et pour un MJ de rajouter ceux qu’il a envie de mettre en scène, ou d’importer des créatures d’un autre jeu, d’un autre univers… Nous y avons mis une limite en ce que ces créatures sont incapables de se reproduire. Le tout est à la disposition du MJ pour l’utiliser à sa guise, avec la limite que nous avons fixée mais cela reste une fabrique de monstres. Ce qui signifie que vous pouvez avoir le degré de fantasy que vous souhaitez. Il n’y a pas besoin de se limiter au gritty et au purement réaliste. Hârn est présenté de cette façon mais avec des possibilités pour l’adapter à votre sensibilité.
La religion est également bien travaillée dans Hârn, ce n’est pas juste une suite de règles et de sortilèges. Elle est liée à la culture des peuples, comme au moyen-âge, avec des évêques et des abbés dirigeant des endroits réels, cathédrales, églises ou simples abbayes, avec des soucis liés à ceux terre-à-terre, des habitants dont ils ont la charge. La religion n’est donc pas un simple habillage mais inscrite dans le monde lui-même.
Il faut bien se rappeler que ce monde a été créé pour y jouer, et que des concepts y ont été inclus pour aider à cet objectif. Quand on y pense, le jeu de rôle est basé sur des œuvres littéraires, des films, ou tout autre récit de n’importe quelle sorte, et nous devons travailler autour de cela. C’est en pensant comme cela que mon père et les autres concepteurs initiaux ont eu la liberté de modeler le monde comme ils le souhaitaient, pour correspondre à un monde médiéval vraisemblable, mais aussi un monde où l’on pouvait mener toutes sortes d’aventures. Et c’est comme cela qu’il faut le prendre.
Prenez par exemple un autre concept placé dans Hârn, celui des voyages entre les mondes. Il y a ces structures que l’on appelle Pierres des Dieux, et en pratique vous pouvez utiliser l'une d'entre elles pour réapparaître ailleurs. Il y a ainsi dans Hârn des passages vers notre Terre, ou vers la Terre du Milieu de Tolkien, entre autres mondes. On y trouve par exemple des elfes qui ont quitté la Terre du Milieu et passent par Hârn dans leur voyage vers leurs Terres Immortelles, et il y a donc une structure permettant aux elfes d’aller et venir.. Un autre outil que vous pouvez utiliser pour amener en Hârn, ou l’en retirer, ce que vous voulez.

Un autre élément important tient à la description du monde. Hârn est une île au large d’un continent ressemblant fortement à l’Asie, tandis que Hârn a une forte ressemblance avec l’Angleterre médiévale. Cela à dessein. La planète a ainsi une année de 360 jours, composée de 12 mois de 30 jours, eux-mêmes de 24 heures. Il y a un soleil et une lune. Toujours à dessein. Ainsi vous pouvez facilement comprendre comment fonctionnent les marées, le temps, etc., avec des aspects familiers de notre monde. L’idée de Robin, qu’il a exposée dès le départ, était le mélange d’aspects familiers pour nous, terriens, pour avoir plus d’informations à portée de mains, sans avoir à imaginer les effets de réalités différentes comme deux soleils, des mécanismes marins différents, etc. Cela a toujours été délibéré, et nous avons pu en tirer parti car c’était bien prévu dès le départ pour faciliter le jeu. Les aspects surprenants, réservés au départ au MJ, sont tous discrets, sous le radar, ce qui fait que la plupart du temps, si les joueurs posent une question, il suffit de regarder autour de soi pour avoir une réponse.
C’est aussi pour cela qu’il est toujours amusant de rencontrer des gens qui se présentent en expliquant qu’ils ont créé un monde, pour discuter avec eux, car ceux qui sont passés par ce genre de tâche sont bien plus à même d’apprécier à sa juste valeur ce que nous avons fait.
Aujourd’hui nous produisons des ouvrages avec régularité, tous les trois mois, disponibles sur abonnement. Cela s’appelle HârnQuest et nous avons actuellement entre 500 et 600 abonnés, qui reçoivent régulièrement un bel ouvrage par la poste, toujours différent. Ils aiment les lire, les faire jouer, mais je pense que près de la moitié de nos abonnés ne jouent pas en ce moment, attendant d’avoir du temps pour cela, au pire à leur retraite. Mais ils veulent quand même continuer à lire les ouvrages sur Hârn et faire partie du programme. C’est bon pour le business aussi. Mais surtout, en tant que passionné d’histoire, je voudrais voir cela comme une œuvre pour la postérité, pour l’histoire. C’est dans cette optique que l’a créé mon père, et que des gens l’apprécient à travers le monde entier. Hârn lui survivra, me survivra très probablement, et même si la publication devait s’arrêter, il sera toujours là. Et je trouve cela très bien.

Nous avons parlé de l’histoire de Hârn, quelques questions sur son futur. Il y a le reprint de Hârnworld pour le 40e anniversaire. Y aura-t-il des projets pour les grands royaumes ? Prévoyez vous des versions actualisées ?

Oui nous sommes en train de préparer leur republication en couverture cartonnée, nous sommes en train de les réimprimer sous ce format. Nous en avons déjà 4 sur les 9 grands royaumes, je pense 4 de plus d’ici la fin de l’année.
Ces produits existent déjà. Il y a des améliorations, mais c’est surtout une republication dans un meilleur format, avec des informations différentes rassemblés dans un même livre. Si on revient aux années 80, on avait par exemple ce livre sur Kaldor, mais désormais c’est beaucoup plus grand, avec beaucoup plus de détails, réorganisé. Pour moi, ce travail est bien organisé avec le calendrier trimestriel. Cela me donne la possibilité de fournir de plus grands efforts. À un moment dans le passé, je n’avais pas de plan strict pour le futur, et maintenant j’ai un plan pour une équipe (écrivains, etc.), et un plan pour une nouvelle équipe pour un projet parallèle pour lancer des nouveautés. Par exemple ce qu’on appelle Atlas Hârnica, une série de suppléments de cartes, avec les carrés des cartes repris dans des cartes plus détaillées, avec les manoirs, les lignes d’altitudes,… cette série est un grand projet, chaque carré prend 40-60 heures à traduire et créer les détails et j’aimerais améliorer ça avec une nouvelle équipe, d’autres personnes travaillant sur ce projet. Je voudrais l’améliorer, car nous avons commencé cela en 2004, presque 20 ans et ce n’est pas encore fini. C’est mon ambition, et je pense que j’ai trouvé un suivi pour les produits existants mais aussi un peu de liberté pour planifier de nouvelles choses.

J’ai vu qu’il avait été commencé à développer un nouveau royaume Rogna.

Oui, c’est un royaume dans la région de Ivinia, une île de même grandeur que Hârn, avec un IviniaDex. Rogna est une région de Ivinia comme Kaldor pour Hârn. Rogna existe dans la littérature de Hârn depuis le début et récemment nous avons créé plus de détails. Ce projet marche bien, ça va de plus en plus vite, nous sommes de plus en plus efficaces. On a fait Rogna, on a couvert Menglana, l’autre grand royaume de Ivinia. On a fait les cartes, sur Ivinia comme sur Hârn. C’est encore un gros projet. On n’aura probablement jamais la possibilité d’arriver au bout, et c’est une bonne chose.
Au bout de 40 ans, je sais ce qu’il faut faire, comment rester fidèle à ce que nous avons créé. On dit qu’il y a une Voix Hârnique, dans la façon dont les ouvrages sont écrits, le style du monde, et nous devons rester concentrés dessus. Et quand de nouveaux auteurs rejoignent l’équipe, le plus difficile est de les aider à trouver cette Voix, parce qu’elle est assez unique, mais ils peuvent le faire. Ce n’est pas si spécial que ça, cela peut s’apprendre. Enfin il y a tout le respect du canon établi à prendre en compte. Lorsque nous écrivons quelque chose, il faut vérifier que cela ne contredit pas une autre publication antérieure, car l’idée est justement de toujours rester cohérent avec l’histoire que nous avons établie. Ainsi Rogna avait déjà été brièvement décrit, vers 1987 si je me souviens bien, et maintenant nous avons tout un livre qui en parle. C’est comme ça que nous procédons, en ajoutant à ce que l’on sait déjà.
D’autres royaumes d’Ivinia ont déjà été développés comme Menglana, et d’autres vont l’être encore. C’est juste une question de temps et d’énergie. Ivinia est aussi assez unique. Il n’y a pas tant d’univers vikings dans le monde ludique, et celui-ci se vend très bien en Scandinavie. Nous avons même une connexion avec Hârn, puisqu’un peuple d’Ivinia a envahi le royaume d’Orbaal, au nord de Hârn, il y a environ 80 ans. Un peu comme l’invasion de l’Irlande dans notre monde, avec un pouvoir occupant, 8000 vikings tenant les places stratégiques, châteaux, forts, etc. et une population qui n’aime pas cela et se retrouve en rébellion, avec un mouvement souterrain comme l’était l’IRA, recourant à ce que l’on peut qualifier de terrorisme pour faire partir les Iviniens. C’était donc un lien entre les deux îles et cela nous a menés à passer de l’une à l’autre. Et au fil du temps, nous allons continuer. C’est un projet à long terme : nous avons couvert quoi ? 5 % du globe ?

Pour certains, Hârn manque d’une grande campagne, à la manière de Dragonlance pour D&D. Y a-t-il un projet pour en développer une ?

Nous ne souhaitons pas faire progresser l’histoire du monde. On pourrait en développer une dans le passé pour explorer celui-ci mais c’est bien plus difficile, et je n’en ai pas vraiment envie. Nous avons publié quelques scénarios, par exemple  Field of Daisies, Trobridge Inn, ou Dead Weight, avec une histoire précise, linéaire, et un peu de background. Au delà cela va être difficile. Nous partons du principe que nous ne voulons pas changer le présent de l’an 720, mais si je vous dis ce qui arrive après, je le change d’une certaine façon. Nous avons des histoires menant à ce présent comme celle du roi de Kaldor, vieux et malades mais pas encore mort, et avec divers prétendants, ce que nous appelons la crise de la succession de Kaldor. Nous avons joué une partie où tous les joueurs incarnaient des personnalités tournant autour de la famille royale, qui ont négocié, marchandé leur appui, etc. jusqu’à ce que l’un d’eux emporte la partie. Nous l’avons fait joué de nombreuses fois, avec toujours des résultats différents à chaque fois. Je ne serais pas à l’aise à l’idée d’écrire une campagne là dessus, par exemple. On pourrait peut-être en faire un jeu indépendant, mais au-delà je ne sais pas si écrire sur le roi de Kaldor serait une bonne idée. Parce que si nous le faisons, nous changeons le monde dans lequel vous jouez. Et même s’il y a des crimes bien plus graves, cela irait à l’encontre de ce que nous avons dit toutes ces années.

Enfin, avez-vous des plans pour une nouvelle édition, la quatrième, de Hârnmaster ?

Il n’y a pas vraiment de plan. Il n’y a rien que nous voyons utile de changer, aucune idée claire de ce que pourrait être une 4e édition du jeu, au-delà de la reprise de la troisième avec de nouvelles illustrations. Il y aura une nouvelle édition un jour, mais soyons justes, jusqu’ici chaque édition ne se différenciait de la précédente que par des changements mineurs. Au final, oui il y aura probablement une nouvelle édition, mais pour le moment, je suis incapable de dire quand, ni ce qui changera dedans.

La campagne pour l'édition 40e anniversaire

 

 

* les relations entre Tom Dalgliesh et Robin Crossby, les deux co-créateurs, ont été difficiles dès le début jusqu'à une brouille consommée dans le courant des années 2000, qui a vu le second partir monter sa société personnelle, Kelestia, pour développer un espace différent du même monde, sans interaction entre les deux. Tout en regrettant cette situation, Grant Dalgliesh estime ne pas pouvoir s'exprimer seul sur la question.