Livre de 398 pages couleur à couverture rigide.
The Fall of DELTA GREEN (La Chute de DELTA GREEN en VF) propose d'incarner des agents de la division des services fédéraux américains chargée de lutter contre les menaces surnaturelles juste avant son déclin dans les années 1960. L'ouvrage s'ouvre sur les crédits, titre, un sommaire de 7 pages (10 pages pour le tout), puis Initial Briefing (6 pages) présente l'organisation, le jeu et le système utilisé.
Le premier chapitre, Tout sur les Agents ( All the Agents, 64 pages VF, 58 pages VO) présente les règles de création des personnages, Celle-ci passe par plusieurs étapes :
La deuxième moitié du chapitre décrit en détail la soixantaine d’aptitudes proposées dans le jeu.
Règles du jeu (Rules of the Game, 62 pages VF, 58 pages VO) couvre ensuite les mécanismes de résolution des actions, avec le système de tests de réussite simples ou de confrontations (pour le premier quart du chapitre), les combats (19 pages), les autres sources de dommages (5 pages) et enfin tout ce qui concerne la santé mentale et les stimuli extérieurs susceptibles d'y porter atteinte (sentiment d'isolement, d'impuissance, confrontation au non-naturel) et les conséquences de ces dommages. Le chapitre se termine sur les possibilités de rafraîchir les réserves de points d'aptitude des personnages, et sur ce qui peut arriver entre deux missions.
Le Matériel (Tools of the Trade, 28 pages VF, 26 pages VO) s’intéresse ensuite à tout ce dont les agents peuvent disposer pour remplir leurs missions. Après quelques pages consacrées à la façon dont ils peuvent prendre disposition du matériel, 8 pages sont dédiées à l'équipement, 3 aux effets d'une recherche sur la suite d'une action, 6 pages détaillent les procédures standards d'agents de terrain et 3 proposent des conseils aux joueurs.
Les chapitres suivants sont destinés au MJ.
Au bord de la destruction (On the Eve of Destruction, 34 pages VF, 32 pages VO) présente la situation de DELTA GREEN dans les années 1960, sur 6 pages, puis celle de l'organisation rivale Majestic (mise en place pour gérer les conséquences de la découverte d'un engin spatial extraterrestre écrasé à Roswell, au Nouveau Mexique) sur 9 pages. Suit une chronologie des événements des années 1960 et une mise en parallèle des diverses opération menées par DELTA GREEN au cours de cette décennie, avec une chronologie séparée pour les événements inexpliqués (OVNI ou autres).
Le Paranaturel (The Unnatural, 120 pages VF, 116 pages VO) aborde alors la question de ce contre quoi DELTA GREEN se dresse. L'exposé commence par une présentation d'ouvrages renfermant des informations sur ces phénomènes, au premier rang desquels bien sûr le fameux Necronomicon, mais aussi une quinzaine d’autres ouvrages. La science derrière la magie des Anciens, appelée Hypergéométrie, est le sujet de la section suivante (11 pages), qui en pose les bases et décrit une quinzaine de rituels qui en appliquent les principes. Un encadré de deux pages dans cette dernière section présente les possibilités d'inclusion de pouvoirs psychiques dans le jeu. The Hidden World (13 pages) présente ensuite tout ce qui entoure la bulle de savon que nous appelons notre monde contemporain, avec les événements du passé lointain, les lieux inconnus comme Kadath, Irem, K'n-yan ou le plateau de Leng, les endroits extérieurs comme Carcosa ou les Contrées du Rêve, et les autres mondes comme Yuggoth.
Viennent ensuite les diverses créatures "non-naturelles" répertoriées, c'est à dire les espèces inconnues des humains ordinaires : goules, profonds, hommes-serpents, mi-go, etc. décrits sur 49 pages, soit près d'une cinquantaine de créatures avec pour chacune leur fiche technique, une description et un récapitulatif des éléments qui, au cours d'une enquête, peuvent laisser penser à leur implication, et une section sur la façon pour le MJ d'en créer de nouvelles ou d'adapter celles existantes. Le reste du chapitre est consacré aux entités cosmiques (Cthulhu, Ghatanothoa, Rhan-Tegoth, Tsathoggua, Yig, Hypnos, Nodens, Nyarlathotep, Azathoth, etc.) et au mythe d'Hastur, sur 14 pages, puis aux cibles plus accessibles tournant autour de tous ceux qui précédent : les divers cultes et sectes d'adorateurs ou d'antagonistes (le culte de Cthulhu, le culte de la Transcendance, le GRU-SV8, la Destinée, etc. Un peu plus d'une douzaine en tout).
Le Manuel de l'officier (The Handler's Handbook (24 pages VF, 22 pages VO) propose des conseils pour le MJ (Handler), à commencer par la façon d'amener la peur dans le jeu, à commencer par les peurs mises en jeu (risque, incertitude, perte de contrôle) et les thèmes qui les sous-tendent (l'humanité est une menace, etc.). Les façons de préparer un scénario, une opération et une campagne, et comment mener le jeu occupent ensuite 16 pages de ce chapitre.
Opération caverne d'Aladdin (Operation Aladdin's Cave, 14 pages VF, 12 pages VO) est un scénario dans lequel un groupe d'agents est envoyé au Vietnam pour enquêter sur des événements mystérieux dans un secteur récemment repris aux Vietcongs. Le lieu était l'emplacement d'une série de tunnels souterrains, et il semble que quelque chose en ait été sorti frauduleusement. Retrouver l'objet et stopper les conséquences de cette erreur, ne sera pas des plus faciles, surtout en comptant une interférence de Majestic.
L'ouvrage se termine sur une série d'Annexes (Back Matter, 36 pages VF, 30 pages) :
Les gardes (comptées dans la pagination) présentent une carte du monde vu par l'organisation, en 1960 et 1970.
Cette fiche a été rédigée le 15 novembre 2020. Dernière mise à jour le 6 janvier 2023.
C'est sur le rayon JDR de mon libraire favori que j'ai découvert La Chute de DELTA GREEN l'été 2021, étant passé totalement à côté du financement participatif proposé par l'éditeur, Dead Crows Studio. Étant peu attiré par Delta Green mais toutefois amateur des précédentes occurences du système Gumshoe (Esoterroristes, Trails of Cthulhu et Night's Black Agents principalement), le fait que le jeu se déroule dans les années 60 plutôt qu'à notre époque me pousse à franchir le pas. Toutefois il me faudra plusieurs mois avant de pouvoir monter une table pour le tester en profondeur et plus de temps encore pour vous en parler. La Chute de DELTA GREEN propose de jouer des membres d'agences gouvernementales ayant rejoint le programme DELTA GREEN (en casse majuscule par opposition au jeu de rôle éponyme en casse normale) avant la dissolution de ce dernier en 1970.
Une mise en forme correcte qui met dans l'ambiance
C'est un gros bouquin de 400 pages de papier glacé, en couleur, avec couverture rigide et marque-pages qui nous est proposé ici. La maquette est très classique — 3 colonnes par pages, mais richement illustrées : photos noir et blanc, illustrations traditionnelles ou modernes, montages photos, cartes géographiques, et j'en passe. L'ensemble est très coloré et plonge assez facilement le lecteur dans l'ambiance des annnées 60. Différents motifs de papiers viennent mettre en valeur les encarts, (blanc pour les tableaux, bleu quadrillé pour les chronologies et papier kraft pour les conseils et précisions), les couleurs d'arrière-plan évoquent également des papiers anciens et les titres en nuance oranges et marron soulignent cet effet "vintage", nous plongeant dans l'ambiance militaire des années 1960. En dépit de sa richesse, la maquette reste agréable à la lecture et ne nuit pas à la lisibilité de l'ouvrage (moi-même n'étant pourtant pas fan des maquettes en trois colonnes). Mon exemplaire comporte toutefois des pages imprimées en nuance de roses, alors qu'elles n'ont pas cette particularité sur le PDF, ce qui implique un souci à l'imprimerie. La traduction de son côté est de qualité : à mon humble niveau je n'ai relevé aucune coquille, faute, ou tournure de phrase curieuse à la lecture. De plus le sommaire est détaillé et le jeu comporte un index conséquent en fin d'ouvrage, deux outils très appréciables pour un ouvrage de cette densité.
Une création de personnage riche mais longue
La création de personnage se fait en répartissant des points dans les compétences. Pour colorier le personnage et l'imager, le jeu propose de déterminer deux éléments de son historique : son service militaire et l'agence dans laquelle travaillait le personnage avant d'intégrer le programme DELTA GREEN. À l'image des profils dans Night's Black Agents, chacun de ces deux éléments vont placer pour la joueuse un certain nombre de points de compétences, permettant aux joueuses de s'épargner de longues hésitations caractéristiques de jeu à tableau de compétences qui amène la meneuse à dire : "Bon vous avez 132 points à répartir dans vos compétences, moi je vais prendre un café !". Notez que dans le cas présent, une fois les présentations faites vous pourrez effectivement aller prendre un café ; car il n'y a pas moins de 7 services militaires et 16 agences, sachant que les services militaires ont des spécialités et les agences des départements. Il y a beaucoup (peut-être trop ?) de choix, d'autant qu'une fois le service militaire et l'agence choisis il restera encore des points à répartir. On sent toutefois la volonté d'être exhaustif afin de fournir aux connaisseurs les stats de l'agence que chacun va vouloir jouer. La création de personnage propose ensuite de choisir entre plusieurs motivations, nous permettant de renouer avec cette excellente mécanique apparue dans Trail of Cthulhu (Pour répondre aux questions de bon sens du type "Pourquoi devrais-je aller enquêter de nuit dans cette usine désaffecté alors que j'ai une famille à nourrir ?"); mais aussi de définir les liens, introduisant une nouvelle mécanique intéressante : vous pouvez dépenser des points de lien au lieu de points d'équilibre mental : le personnage se referme sur lui-même pour résister mentalement aux horreurs face à lui, coupant lentement les ponts avec ses proches du quotidien... Ajoutez à cela quelques détails personnels et des petites questions à remplir pour mieux cerner le personnage, et voilà ! Une soirée passée pour créer les personnages, mais des personnages que les historiques, les liens et la motivation rendent crédibles et haut en couleur.
Le système d'enquête Gumshoe, difficile à maîtriser mais efficace
La base du système Gumshoe reste inchangée. En bref, elle se compose de compétences de deux types. Les compétences d'investigation permettent d'enquêter tandis que les compétences générales couvrent les autres aspects de la fiction que l'enquête. Je reviendrai sur ces dernières plus loin. Pour utiliser une compétence d'investigation, il suffit d'avoir un point dans la compétence (même dépensé) et déclarer qu'on l'utilise pour obtenir les informations pertinentes. Dépenser les points d'une compétence d'investigation permet d'avoir un bonus (de temps, de moyens, ou d'une autre nature). Il en ressort un système efficace, fluide, mais long à maîtriser. En effet, si c'est la meneuse qui va amener l'utilisation des compétences générales en demandant des tests, pour les compétences d'investigation c'est aux joueuses d'annoncer l'utilisation d'une compétence pour chercher des indices — même si la meneuse peut dans un premier temps accompagner les joueuses en leur suggérant l'usage de telle ou telle compétence. Il est donc nécessaire que chaque joueuse comprenne l'utilisation et la portée de chaque compétence afin de vraiment comprendre de quoi son personnage est capable. Et sur ce point La Chute de Delta Green est plus difficile à prendre en main que ses prédécesseurs : s'il y a globalement moins de compétences d'investigation, elles ont tendances à couvrir des domaines plus vastes, et certaines (comme ROHUM ou SIGINT) sont nommés d'après un jargon militaire très peu intuitif. Je déplore l'absence d'un carnet de personnage ou d'un livre-joueur qui reprendrait les compétences en détail. Toutefois l'efficacité éprouvée du système Gumshoe finit par revenir : au fur et à mesure des séances, les joueuses maîtrisent de mieux en mieux le système, prennent d'avantage d'initiatives, et le jeu s'en retrouve fluidifié. Il en ressort également une satisfaction à maîtriser le système qui se ressent autour de la table.
Moins de règles éparses pour les compétences générales, mais plus de règles utiles
Du côté des compétences générales pas grand chose de neuf non plus. Ces dernières sont utilisées lors de tests résolus avec un d6. Dépenser X points d'une compétence générale avant le jet permet de se donner un bonus de +X sur le jet de dé. Sur cette base un tas de petites règles viennent s'ajouter, plus ou moins fourni selon les jeux. La Chute de DELTA GREEN est bien épuré par rapport à la boite à outils fourmillante qu'était Night's Black Agents. Outre la classique mécanique de coopération du système Gumshoe — fonctionnelle bien que sa logique m'échappe encore, on y trouve une règle intéressante qui permet au personnage de se reposer sur les autres personnages pour les tests que chaque personnage doit faire. Règle testée et approuvée, elle amène les joueuses à agir de concert et permet notamment d'éviter les frustrations lors de scènes commune, typiquement les scènes d'infiltrations où la meneuse demande un test de discrétion à tout le monde et si une joueuse échoue le test alors l'ensemble des personnages sont pénalisés. Point important, la mécanique traditionnelle pour l'opposition - pas intuitive et longue à mettre en œuvre - est désormais consacrée aux oppositions "dramatiques", c'est à dire les oppositions avec des enjeux importants pour la fiction. Pour les oppositions de moindre importance, une règle simplifiée d'un seul jet de dé a été mise en place. Toutefois les amateurs de règles crunchy ne seront pas en reste, avec un tableau de modificateurs pour gérer l'obscurité, et des règles bien fouillées pour gérer les poursuites (bien que ces dernières semblent plus simples que celles de Night's Black Agents, ne me demandez pas de les tester).
Le combat, une base inchangée et des multiples options
Des combats beaucoup plus mortels étaient une des promesses à l'annonce de ce jeu, le système Gumshoe n'étant de base pas très dangereux, en dépit des efforts de Night's Black Agents. La nouvelle règle de léthalité, en dépit là encore d'un caractère très peu intuitif a le mérite d'être radicale et les joueuses apprennent assez vite à ne pas être téméraire face aux rafales d'armes automatiques, et gagnent vite en assurance quand leurs personnages ont ce genre d'équipement entre les mains. Néanmoins, pour le reste rien n'a changé. Le jeu fournit tout de même des options de combat pour donner un aspect plus "tacticool" aux affrontements : tir en rafale ou en automatique, désarmer, esquive, visée... Hélas ces options sont peu intuitives (ce mot commence à revenir pas mal...) et souvent très coûteuses en point de compétence pour l'avantage apporté, surtout si le personnage n'est pas un aficionado des armes à feu.
La gestion du mental, précisée mais inchangée
Après le classique chapitre décrivant les blessures causées par toutes les sources possibles et imaginables, on revient sur l'un des piliers du système Gumshoe : la gestion de l'équilibre mental et la santé mentale. Le premier décrit votre saineté d'esprit, tandis que la seconde décrit votre espoir dans le monde tel que vous le concevez, lentement érodé par les horreurs du mythe. Pas de folies de ce côté là, on voit toutefois la possibilité pour le personnage de s'habituer et être moins sensibles aux horreurs qu'il croisera, et comment s'articule la mécanique de lien dans tout ça. Un changement notable est apporté aux pertes d'équilibre mental, désormais regroupé sous trois stimuli : la violence, l'impuissance et le paranaturel. Trois tableaux thématiques valent mieux qu'un seul fourre-tout. C'est également la première occurence du système où je vois des pertes d'équilibres mental dues à l'impuissance, quelque chose qui manquait dans Trail of Cthulhu. Il est à noter que pour rendre les règles de pertes d'équilibre mental plus faciles à appliquer, l'ouvrage propose deux organigrammes. C'est très pratique pour suivre les règles au pied levé sans devoir perdre du temps à les relire (pour peu qu'on retrouve les organigrammes dans le bouquin, je vous invite à les imprimer à part). Du côté de la gestion de la santé mentale, rien de nouveau sous le soleil : le tableau de pertes de santé mentale, comment utiliser la compétence Mythe de Cthulhu... pardon Paranaturel, la classique liste des troubles mentaux que le personnage peut développer (déclinée toutefois selon chacun des stimuli présentés plus haut).
Une idée novatrice pour le regain de points
Si on a encore ici les mécaniques classiques du Gumshoe pour récupérer les points des compétences, il n'en va pas de même pour récupérer les points d'équilibre mentale (indispensable si l'on souhaite voir son personnage perdurer). Il faut pour cela faire vivre son personnage dans des scènes personnelles, pendant les temps morts. Les propositions de scènes pour les temps mort sont diversifiées, bien ficelées et intéressantes. Si le gain (voire la perte) d'équilibre mental ou de points de lien qu'elles proposent peut paraître peu intéressants aux premiers abords, il n'y a pas d'autres regains d'équilibre mental entre les sessions. Le jeu se veut difficile, il s'identifie d'ailleurs à l'approche "Puriste" de Trail of Cthulhu. Cela incitera les joueurs à jouer ces scènes pour regagner un peu de leur équilibre mental durement atteint durant les scénarios. Les scènes de vie personelle du personnage en dehors de son travail deviennent ainsi partie prenante de la campagne, et il y a une vraie mécanique de jeu cohérente derrière qui justifie leur existence et leur intérêt. Pour moi un gros point fort de l'ouvrage.
Les conseils aux joueurs, invisibles et trop loin dans l'ouvrage
Je vous épargne la description d'un chapitre sur l'équipement des agents peu novateur et rempli de jouets militaires (qui a au moins le mérite de nous indiquer ce qui existait ou non durant les années 60). On notera le retour des Avantages Tactiques de Coopération (ici appelés Avantages Tactiques Complémentaires) issus de Night's Black Agent, qui permettent aux personnages de s'entraider en dépensant chez l'un une compétence d'investigation pour donner des points en compétence générale chez l'autre. Superbe mécanique que l'on a pas utilisé de la campagne, parce que la règle est PAUMÉE au milieu du livre et qu'à ce stade il y a déjà trop d'infos à assimiler. Viennent ensuite deux sous-chapitres fondamentaux. Le premier s'intitule "Techniques Professionnelles". Ce chapitre couvre les principales activités des personnages, et pour chaque activité explicite la compétence à utiliser. C'est littéralement "Comment jouer son personnage". Le second, sobrement intitulé "Conseils aux joueurs", reprend les classiques conseils du Gumshoe mais surtout y ajoute le code de conduite de DELTA GREEN sans lequel il est très dur d'en jouer un agent... POURQUOI ces deux sous-chapitres arrivent AUSSI TARD dans l'ouvrage ? Pourquoi je dois me coltiner du crunch à plus savoir qu'en faire et d'interminables descriptions de stuff avant d'accéder à ces infos FONDAMENTALES camouflées derrière des titres confusants ?
Un chapitre du lore qui a le derrière entre deux chaises
On commence par la description de DELTA GREEN, le programme auquel appartiennent les personnages. Un historique du programme, la présentations des grandes figures du programme, le fonctionnement du programme, et une flopée de détail sur le programme ; le tout maché et mélangé en 5 pages. Pour moi une relecture et un tri des infos sont indispensables, alors que j'aurais préféré comme dans les jeux Gumshoe précédents, que l'on dégage les axes essentiels du fonctionnement de l'agence plutôt que des PNJs et des faits passés que je n'utiliserais probablement pas. Non seulement ce n'est absolument pas digeste, mais en plus pour les amateurs de fluff et les fan de Delta Green c'est beaucoup trop concis ; on sent que ce chapitre essaie de faire le grand écart entre deux publics aux attentes irréconciliables et il n'y parvient pas. Les mêmes remarques peuvent être faite pour le chapitre suivant consacré à Majestic, l'agence rivale de DELTA GREEN (qui fait plus de pages que celui sur DELTA GREEN !). Les pages suivantes décrivent des opérations passées de DELTA GREEN, proposant à la meneuse d'y faire jouer les PJ. Dans les faits il s'agit de trames de scénario ; et l'effort pour les intégrer dans le lore est contre-intuitif, parce que présentés comme des faits passés, ça ne donne pas du tout envie de les faire jouer.
Les années 60, aux abonnés absents
Dans les pages sus-cités, clairsemées parmi les trames de scénario, il y a un tableau pour chaque année de la décennie 60-70, qui donne deux lignes d'info et huit dates importantes. Ensuite, sur quelques pages, pour chaque année de la décennie on donne une dizaine de faits paranaturels qui sont arrivés dans l'année... Et c'est tout. MAIS QUELLE TOTALE INDIGNITÉ ! Ce que j'attends dans un jeu qui se veut réaliste dans les années soixante, c'est justement des axes pour jouer de façon crédible dans cette décennie. C'EST POUR ÇA QUE J'AI ACHETÉ CE BOUQUIN À LA BASE !!! Toutes les critiques que j'ai écoutées ou lues sur La Chute de DELTA GREEN conseillent de se documenter par ailleurs sur cette époque. C'est dingue ! Où est le boulot formidable qui avait été fait sur les années trente dans Trail of Cthulhu ?! Je ne suis pas connaisseur des années 1960, j'ai du faire ce boulot et ça m'a écorché le fondement de devoir le faire parce que je savais que j'allais au devant de questions de mes joueuses à ce sujet ! On se rend bien compte en regardant le sommaire que 400 pages ne suffisaient pas pour le jeu, mais à ce niveau faites deux bouquins plutôt que d'amputer au jeu un pan aussi important !
Le paranaturel, complet et très détaillé
Le traitement du paranaturel est l'extrème inverse de celui sur les années soixante. C'est pas moins de 119 pages qui y sont consacrées, soit près d'un tiers du bouquin. Les différentes types de dieux, les créatures du mythe, les ouvrages occultes, lieux mystiques ... Le chapitre se veut exhaustif. Pas tout à fait néanmoins, j'ai par exemple relevé l'absence des maigres bêtes de la nuit. Je note aussi quelques petits points de règles très sympa, bien qu'encore paumé dans le chapitre. Par exemple, les sorts se lancent en dépensant des points d'activation : par défaut ce sont des points de la compétence Paranaturel, mais le sorcier peut s'il le souhaite dépenser à la place d'un point de Paranaturel deux points de Santé ou d'Équilibre mental. Il est à noter avec les créatures du mythe que j'ai utilisées qu'elles ont tendance à être un peu plus puissante que leur version dans Trail of Cthulhu. Les descriptions des éléments du mythe sont d'ailleurs plus précise et moins contradictoire dans ce jeu que dans Trail of Cthulhu, là c'est une question de goût. En outre, le chapitre a en outre le défaut de sa qualité : j'eus apprécié plus d'illustration, mais vu l'énorme contenu je comprends qu'il n'y ait pas plus de place pour les images. Ce chapitre reste impressionant de contenu sur le mythe pour un seul bouquin, et si vous appréciez le système Gumshoe rien que cette partie pourrait justifier l'acquisition du jeu.
Les conseils au MJ, qui remboursent le bouquin
On arrive ici dans ce qui a toujours fait la richesse des jeux Gumshoe : les conseils aux MJs. Pour La Chute de DELTA GREEN, on repart à la base et on l'enrichit : comment faire jouer de l'horreur Lovecraftienne, comment mettre en place et amener l'adversité, comment créer un scénario (ici appelé une opération), créer une campagne, mener une opération... Tout y est, et il n'y a rien à jeter. On vous prend par la main. Et là, on sent que l'auteur s'adresse directement à nous, la lecture gagne tout de suite en fluidité (ce qui fait un bien fou après les pavés des chapitres précédents). Par rapport aux conseils de Trail of cthulhu, l'ensemble est ici plus détaillé et plus clair. On notera en outre quelques conseils intéressants sur l'improvisation, trop rare dans les bases de JDR. Ce chapitre indispensable rend accessible la maîtrise de ce jeu aux meneuses débutantes, malgré les soucis déjà relevés. Par ailleurs, une grande partie de ces conseils sont applicables dans d'autres jeux que celui-ci. C'est donc une lecture que je vous recommande chaudement même si vous ne comptez pas mener ce jeu. Petit point noir, le matériel fourni par le jeu n'est pas toujours à la hauteur des conseils ("Ancrez le jeu dans la vie de tous les jours, dans la réalité des années 60, de leur histoire et leur géopolitique." GRAAAAHHH ! JE FAIS COMMENT AVEC... Bref).
Opération Caverne d'Aladdin, la frustration en scénario d'intro
/!\ Attention spoiler dans ce paragraphe /!\
Soyons clair, le scénario d'introduction n'a jamais été le fort des jdr Gumshoe. "Opération abbatoir" de Esoterroristes s'essoufle au milieu, "L'Horreur de Kingsbury" de Trail of Cthulhu était assez foutraque et peu marquant, "(F)actions" de Night's Black Agents est vraiment mou à côté de la proposition du jeu... Pour le coup le scénario "Opération Caverne d'Aladdin" ne déroge pas à la règle. Alors oui, il est parfaitement jouable et accessible aux débutants, le souci n'est pas là. De plus dans la tradition des scénarios Gumshoe, Opération Caverne d'Aladdin s'efforce de ne pas être linéaire et propose des scènes alternatives selon les pistes que les PJ choisissent de suivre. Des petites infos aux débuts de chaque scène indiquent le type de scène, la scène précédente et la ou les scène(s) suivante(s), ce qui est bien pratique. Mais concernant la trame, MERDE quoi. Opération Caverne d'Aladdin est un scénario qui se déroule au Vietnam, avec pour toile de fond la guerre du Vietnam, conflit emblématique des "sixties". Et à aucun moment vous ne verrez la jungle. AUCUN. Où est l'ambiance oppressante sous la canopée ? Où sont les pièges vicieux des vietcongs ? Où est le tentacule qui fauche un hélico que nous promet la couverture ? POURQUOI JE ME SENS FLOUÉ ? La jungle vous allez LITTÉRALEMENT la survoler, et le seul contact avec les viets que vous aurez c'est un on ne peut plus classique "les cultistes vous attaquent dans le tunnel". QUEL GASPILLAGE ! Le scénario est présenté comme un début de campagne, mais qui veut un début de campagne aussi mou du genou ?
Pas grand chose à dire sur les annexes qui clôturent l'ouvrage, elles sont lisibles et immersives ; elles passent bien à l'impression et ce fut très cool de s'en servir.
En lisant cette critique vous aurez compris les montagnes russes émotionnelles provoquées par la lecture de ce jeu. Les idées de GÉNIE ponctuent un ouvrage trop petit pour son contenu, parfois mal ordonné, et dont certains pan du jeux sont détaillés à l'extrême alors que d'autres sont pratiquement vides. La Chute de DELTA GREEN est une purge à préparer et compliqué à mener dans ses premières séances, mais procurera des séances d'une qualité dont peu de jeux du genre peuvent se vanter. Est-ce que le jeu en vaut la chandelle ? À vous de voir. Néanmoins ce jeu lisse et enrichit le système Gumshoe en plus de lui fournir un bestiaire du mythe considérable, et rien que pour les conseils au MJ il vaut la lecture.
Critique écrite en janvier 2023.
Grosse déception pour ce spin off... Après avoir joué l'excellente campagne The Borellus Connection liée à ce jeu, nous avons pas mal écumé ces règles et ce livre.
Voilà les points noirs :
Concernant les points positifs, je dirais que le contexte historique de cette période est intéressant puisqu'il y a eu de nombreuses révoltes pour les droits civiques, des guerres civiles, en plus de la célèbre guerre du Vietnam.
Et il y a un scénario d'introduction, même s'il n'est pas foufou.
Je déconseille donc cette Chute de Delta Green, qui porte trop bien son nom... par contre, oui, je vous conseille la campagne liée à ce spin off !
Critique écrite en novembre 2024.
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