Livre à couverture rigide de 322 pages en couleurs au format 24 x 24 cm.
Jeu de Rôle ! est un ouvrage présentant le loisir, publié par l’éditeur les Moutons Électriques. Il a fait l’objet d’un financement participatif au printemps 2024 et a été présent dans les librairies pour les préparatifs des fêtes de fin d’année. Il a été livré aux souscripteurs dans les premiers jours de 2025, quelques jours avant le dépôt de bilan de l’éditeur, sur la corde raide depuis un certain temps. L’ouvrage est illustré essentiellement de reproductions d’ouvrages de JdR couvrant toute son histoire, selon les thèmes traités, mais aussi de jeux vidéos, des livres…
Le livre s’ouvre sur une illustration titre, les crédits et le sommaire (4 pages).
Une Première Partie : Le Guide du Joueur (180 pages) ouvre l’ouvrage.
Un Interlude : Découvrez des Univers (20 pages dont une de titre) présente, de façon illustrée, une dizaine d’univers par des jeux représentatifs, avec pour chacun une double-page illustrée par un montage de couvertures d'ouvrages de la gamme.
Une Seconde Partie : Guide du Meneur (96 pages) vient alors explorer quelques thèmes plus en détail.
Une illustration pleine page amène alors à un Interlude 2 : Découvrez des Univers (19 pages dont une de titre) qui, sur le même modèle que le premier, présente de façon illustrée 9 univers par des jeux représentatifs avec, pour chacun, une double-page illustrée par un montage de couvertures d'ouvrages de la gamme.
Le livre se termine sur 1 page avec des informations légales.
Cette fiche a été rédigée le 14 janvier 2025. Dernière mise à jour le 8 février 2025.
Je vais faire une critique très dure de ce livre, pour regretter amèrement cette initiative qui devait célébrer les 50 ans du JDR sous l’égide d’une auteure / chef de projet inattendue, et d’un éditeur inattendu également. Malheureusement, le dé a davantage roulé sur l’échec critique plutôt que la réussite, et ce qui se profilait comme une aventure pleine de promesses se révèle un naufrage complet.
Passons déjà sur la campagne de financement et sa conclusion catastrophique, où on ne sait si on doit se réjouir que l’ouvrage ait pu être imprimé et distribué (malgré tous ses défauts de conception que je vais détailler), ou se lamenter sur sa gestion chaotique et sa fin pathétique avec la faillite de l’éditeur.
Déjà, si le livre est de bonne facture et semble justifier les 40 € réclamés, on découvre avec dépit qu’il est globalement moche. La couverture est assez hideuse en fait, sorte d’hommage à un pire du JDR aussi dans ce domaine, et la maquette a été faite sous LSD avec des bouts de texte qui se retrouvent noyés dans l’iconographie, faute que le maquettiste ait mieux équilibré la pagination (ou ait demandé aux auteurs une petite rallonge de signes pour que ça lui permette une meilleure mise en page). En termes d’illustrations, on trouvera des couvertures de JDR balancées en pagaille, et pas forcément en lien avec le texte à côté, quand ce ne sont pas des images de banques d’images lambda et sans aucun rapport avec le JDR qui viennent finir de gâter cette bouillie graphique.
Or donc, pour revenir sur le fond, le livre avait une double ambition : donner un panorama du loisir actualisé pour ses 50 ans puisque la dernière œuvre de référence est le livre de Julien Pirou publié avant COVID, et le proposer en direction du grand public puisqu’il était distribué dans les circuits des librairies.
Si Nathalie Zema tente de remplir ce lourd cahier des charges avec la première et plus grosse partie, elle s’égare malheureusement très vite en route, faute déjà d’un plan pour l’ensemble de l’ouvrage, mais aussi d’un plan sur comment elle va balayer ces 50 ans d’une Histoire pleine de rebondissements. Si on ne peut dénier le travail conséquent pour raconter cette saga, l’écriture se fait au fil d’une plume au style parfois très naïf, ou qui manque surtout de rigueur.
Le texte est en effet truffé de maladresses, soit sous forme d’opinions à côté de la plaque (le fameux JDR Zone qui dénonce la situation dans les banlieues ?), soit d’appréciations incongrues (Ars Magica système de magie sans règles (sic !), Vampire réputé pour ses règles élégantes et simples…), soit des erreurs de datation (parution de Casus Belli ou de MEGA I, apparition du terme rôliste), des affirmations non sourcées (20% de femmes pratiquant le loisir à la fin des années 1970, vraiment ?), des erreurs de titre (le fameux JDR de super-héros Captain Vaudou…)…
Les erreurs ne sont en elles même pas dramatiques, mais leur répétition, et les conclusions parfois confondantes qui en sont tirées, décrédibilisent considérablement le propos et le sérieux auquel le livre prétend. Il est manifeste qu’il n’y a eu aucune relecture, d’abord sur la forme pour dégager les coquilles bien trop nombreuses (roliste à la place de rôliste, ça la fout mal…), ou les envolées lyriques pas bien inspirées juste là pour imposer une vision très personnelle (se féliciter en conclusion que le JDR ne soit plus un loisir de CSP+, alors qu’il l’est aujourd’hui à mon avis davantage qu’il ne l’était à ses origines, sans que cela n’empêche son ouverture actuelle).
Et surtout sur le fond quand on apprend page après page que le genre Steampunk dans le JDR est contemporain au Cyberpunk, et à l’instar de celui-ci peint un contexte sombre et sans espoir ; ou que la 3ème édition de D&D n’a pas été franchement une réussite, alors qu’au contraire le succès a été au rendez-vous pour les JDR Lanfeust de Troy et Donjons, qui ont d’ailleurs été réédités en 2024 ??!!!???
Même sur des éléments plus basiques, l’auteure zappe complètement l’épopée de TSR et l’éviction de Gygax, ou plus près en France fait de François Bienvenu le fondateur de l’Oeuf Cube et intègre Anne Vétillard dans les auteurs de Légendes (tout en confondant les fameuses règles de celui-ci avec celles de Rolemaster). Et dans les éléments plus récents, puisque le livre se flatte d’être la nouvelle ressource de référence puisque publié après 2020 et l’épisode COVID, rien ne sera dit sur la crise de l’OGL au début de 2023. Bref, comme le dirait Stanislas Lefort, ce n’est pas mauvais, c’est très mauvais.
Cette absence de maîtrise est ensuite symptomatique du reste de l’ouvrage, où les parties qui succèdent, se font sans cohérence avec un plan d’ensemble et une ligne rédactionnelle qui formerait un tout lisible, et une progression pour le lecteur.
Le chapitre suivant sur l’inclusivité est solide car il provient des travaux de Coralie David et Jérôme Larré dans le domaine, et toujours instructif pour souligner les scories – conscientes ou inconscientes – des JDR sur le sujet à l’origine. Mais c’est une lecture un peu pointue, et plus destinée à des connaisseurs déjà avertis sur le loisir (et qui n’apprendra rien de majeur pour celles et ceux qui ont déjà suivi ce que Coralie et Jérôme ont déjà publié).
Très surprenant donc de voir ce sujet arriver avant les parties plus génériques sur les univers et les règles. Et comme nul n’est prophète en son pays, on s’étonnera que dans les portraits publiés, seuls 1/5ème soient ceux de femmes, sans traiter d’autres mixités ou origines. Vu que ces portraits semblent avoir été tirés sur une table aléatoire car on y trouve certaines personnalités du loisir très secondaires par rapport à d’autres (ce n’est pas une critique, ça m’aura intéressé de découvrir des gens dont je connais moins le vécu et rapport au loisir qu’un François Marcela-Froideval, CROC ou Tristan Lhomme par exemple qui sont tous trois absents), on regrette cependant que cet aspect inclusivité n’ait pas été davantage mis en pratique, via les portraits qui auraient pu être moins anecdotiques. Tout comme on peut s’étonner à propos des rôlistes célèbres évoqués dans le livre, que soient cités Lionel Jospin ou Julie Gayet qui ont tellement fait pour la popularité du loisir, et que Maxime Chattam soit en revanche complètement omis.
Le chapitre d’après, consacré aux jeux informatiques, est globalement médiocre. Non pas que l’auteur – Guillaume Baychelier – ne maîtrise pas son sujet, au contraire, mais la façon dont il est rédigé est quasiment hors sujet avec le reste de l’ouvrage. Guillaume Baychelier entreprend en effet de faire l’Histoire des CRPG, sans jamais vraiment relier avec le JDR en général. On n’aura donc aucune information sur les incursions réussies ou ratées des éditeurs (Games Workshop, TSR, Chaosium, FASA…) dans ce secteur, ou de l’utilisation des licences officielles (D&D, Appel de Cthulhu, GURPS, puis les univers White Wolf…). En lieu et place, on a donc une chronologie un peu stérile des grands titres de l’informatique, mais qui se veulent tellement exhaustifs que l’auteur approfondit peu quelques jeux qui me semblent majeurs, et se contente de faire un name dropping qui m’a semblé complètement hermétique quand on n’est pas comme moi un forcené du PC ou de la console. Bref, c’est raté et finalement peu intéressant, même (ou surtout ?) quand on n’y connaît pas grand-chose.
Nathalie reprend ensuite la main avec un chapitre sur l’initiation. Le bon point de ce chapitre est de montrer tous les aspects positifs et vertus du JDR. Le mauvais point est que là encore, on a plutôt le droit à des considérations personnelles de l’auteure sur le sujet, plutôt qu’un vrai travail et de réflexion sur le fond. Le chapitre sonne en définitive assez creux et rempli de lieux communs. Mention spéciale aux pages très vides et très sommaires en fin de chapitre avec la recommandation des jeux pour lesquels débuter avec seulement trois genres projetés : Horreur-Fantastique, Science-Fiction et Fantasy… Et un très inattendu Dungeon World 2ème édition, mis en avant comme ayant les règles les plus simples pour le genre Fantasy. Sans commentaire.
Le chapitre suivant, La Forge des Univers, est l’œuvre de Romain d’Huissier qui, comme Jérôme et Coralie, promet donc un travail solide. Le chapitre est assez classique et traite de l’amplitude entre les univers de JDR inspirés d’œuvres célèbres ou de l’Histoire réelle, et donc assez cloisonnés, aux univers purement imaginaires et conçus spécifiquement pour des jeux, voire les jeux à contexte de Bac à Sable. L’article ne révolutionne pas le sujet, mais ce n’est pas le propos pour un livre de vulgarisation, et il fait bien le tour de la question.
Le chapitre qui succède est consacré aux systèmes de jeu, et est l’œuvre à nouveau de Jérôme et Coralie. J’avoue que je m’attendais à un exercice similaire à celui de Romain, certes un peu basique, mais qui parlerait des grandes familles de systèmes entre simulation et narration, avec ou sans aléatoire, à dés ou à cartes (ou encore plus exotiques), et la place centrale ou non des systèmes en fonction des JDR et des époques. C’est étrangement beaucoup plus intellectualisé que cela, et pour cette raison je l’ai trouvé confus et abscons. Le propos a tendance à se disperser dans tous les sens, notamment les références souvent hyper confidentielles jetées en pagaille pour justifier de gameplays qui restent encore très à la marge de la majorité de la pratique du jeu de rôle. Comme tout semble mis au même niveau, on se noie, et surtout on s’étonne d’un article de ce niveau par rapport au public de profanes vers lequel ce livre est prioritairement dirigé.
Le dernier chapitre de Melchior Ascaride est une honte absolue, et en fait achève de me conforter dans le jugement très négatif que je peux faire sur cet ouvrage. Voulant traiter du pire du JDR, son fait de gloire est de sortir les 2-3 jeux nauséabonds écrits par des sociopathes. Vu les thèmes infects qu’ils véhiculent, tout en étant restés parfaitement confidentiels, ce n’est clairement pas à l’honneur de l’auteur de les remettre en visibilité, pour en susciter une curiosité malsaine. Mais manifestement, l’article sert surtout à l’auteur pour se mettre en valeur. Ca passerait s’il était à la hauteur d’un thème aussi casse-gueule mais il n’en est rien. Déjà avec le niveau de maîtrise du sujet : les fameux catholiques intégristes aux Etats-Unis – pays majoritairement protestant – qui ont inspiré la panique morale, alors qu’on y aura échappé en France parce que l’Eglise a le bon goût « de se tenir à l’écart de la vie publique et politique ». N’importe quoi ! Tout comme la profanation du cimetière de Toulon restée profondément dans nos mémoires rôlistes ! Mais bon Melchior semble investi d’une mission sacrée pour nous inculquer ses valeurs nobles dans ce chapitre brûlot, qui lui sert plus de tribune que d’objet de recherche, à l’image de son cri du cœur aussi puéril qu’inutile qui vient conclure ce chapitre. Un travail lamentable et désolant, notamment au vu de la place surdimensionnée qu’il occupe.
On ferme donc ce livre qu’on s’empressera d’oublier, tant le ratage est total entre un gros problème d’équilibrage, et un gros problème de maîtrise de l’ensemble. Une bien amère déception pour ce qui aurait pu être un très beau cadeau d’anniversaire, et qui se révèle un achat très décommandé si vous voulez justement l’offrir ou vous l’offrir en cadeau.
Critique écrite en mars 2025.
Les éditions mentionnées sont celles de la version originale. Vous avez décelé une erreur ou une correction nécessaire, ou encore vous souhaitez compléter la description ? N'hésitez pas à contacter la passerelle !
Aucun mot d'auteur sur cet ouvrage pour le moment.