Ah le jeu de rôle ! L’une des grandes passions de ma vie — mais pas la seule ! Car je suis aussi musicologue de profession et passionné par toutes les questions spirituelles en général. Mais revenons au jeu de rôle, pour lequel je commence à être un « vieux de la vieille ».
J’ai tout d’abord, depuis ma plus tendre enfance, toujours été passionné par les jeux, quels qu’ils soient. Je fus assez tôt un bon joueur de dames, un peu moins aux échecs, et je jouais en permanence à des jeux de plateau et de cartes. J’ai d’ailleurs à l’époque inventé, avec la collaboration de ma sœur qui me servait de cobaye, nombre de jeux de cartes dont j’aurais dû alors noter les règles, car je pense que quelques-unes valaient la peine d’être utilisées par d’autres !
Et puis je suis devenu un lecteur assidu de la revue Jeux & Stratégie, qui proposait, outre de nombreuses énigmes souvent mathématiques, des rubriques sur tous les jeux classiques, tout en présentant les nouveautés du moment. Parmi celles-ci, est apparu, progressivement mais de manière de plus en plus importante, le jeu de rôle comme phénomène de société — je pense d’ailleurs que c’est une des raisons qui contribua à la disparition de la revue, car beaucoup de lecteurs, dont certains avait l’esprit scientifique, ne s’y sont plus retrouvés.
Nous étions dans la première partie des années 1980 et, effectivement, le jeu de rôle allait s’avérer l’un des phénomènes sociétaux de la période. On trouvait alors des jeux de rôle dans les supermarchés, dans les Maisons de la Presse, bref : partout. Témoin cette anecdote vécue un matin à la Maison de la Presse de Nantes (dont je suis originaire), qui commençait à posséder un rayon conséquent consacré au jeu de rôle. J’entendis l’une des employées, qui s’étonnait de l’arrivage quasi quotidien de ce type de jeux, demander à sa collègue de l’éclairer sur ces « jeux drôles » [sic !], tout en avisant une pile conséquente de boîtes de Maléfices qui venait de sortir.
En ce temps-là, Gallimard sortait des jeux de plateau dans la tonalité jeu de rôle : Le Sorcier de la Montagne de feu, basé sur le premier Livre dont vous êtes le Héros du même titre et qui fut une révolution pour l’époque, ou Talisman. Mais il éditait également de vrais jeux de rôle : Pendragon, l’une des références en la matière, mais desservi ici par une présentation formatée issue des jeux de plateau précédemment nommée (c’est Oriflam qui en fera une édition pérenne) ; ainsi qu’une version de poche de L’Œil Noir, jeu de rôle allemand paru chez Schmidt, qui a permis d’initier au jeu de rôle des générations de joueurs ; tout en étant décrié par les puristes, qui sont toujours plus « royalistes que le roi » lorsqu’il s’agit d’enterrer leur hobby auprès du grand public. Vu le réseau de cet éditeur, évidemment, on trouvait des jeux de rôle dans – presque – n’importe quel commerce. Mais je n’en étais pas encore là.
Jeux & Stratégie, que je ne remercierai jamais assez (merci Michel Brassinne !), eut un jour l’idée géniale d’aller plus loin que de simples articles portant sur le jeu de rôle : la revue proposa un hors-série – donc : pour le prix d’une revue – comportant un jeu de rôle extrêmement bien construit, illustré, etc. Il s’agissait de Mega, qui connut une énorme diffusion. C’est par là que je commençai, comme bien d'autres, à appréhender le phénomène. Mais, dois-je l’avouer, il me fallut de nombreuses lectures pour tout comprendre du concept. C’est dire si narrer une histoire interactive était révolutionnaire à cette époque et si Gary Gygax et Dave Arneson ont inventé une nouvelle manière de jouer – de vivre, même –, de l’inouï en terme de jeu, mais en fait bien plus que cela encore.
C’est au moment où je ramais avec ma revue, voyant les publicités de fin de page pour Casus Belli (la revue spécialisée en « jeux de simulation » de l’époque, c’est-à-dire wargames et jeux de rôle, qui renaît aujourd’hui chez Black Book Editions) que j’entendis parler de Donjons & Dragons dans mon établissement, le lycée Georges Clémenceau. Nantes était en effet rapidement devenu l’un des endroits phares du jeu de rôle en France, avec la création d’un des premiers grands clubs, Stratèges & Maléfices. Les collègues lycéens que j’écoutais le midi pendant que nous attendions les cours du début de l’après-midi (Clémenceau, dans lequel j’ai passé l’une des plus belles périodes de ma vie, est un lycée plutôt libéral qui permettait à l’époque de s’installer dans beaucoup de salles de cours le midi pour y faire ce que l’on voulait) discutaient entre eux de ces règles Avancées [de Donjons & Dragons] qui, décidément, étaient géniales, là où les règles de bases [Basic] étaient de la m... Vous savez comme on est radical à cet âge ou dans ce milieu ; pour ma part et après coup, je préfère la simplicité des règles Basic, trouvant AD&D quelque peu boursouflé.
Une visite à Multilud, la boutique nantaise spécialisée de la rue Jean-Jacques Rousseau, et ma passion était lancée. Le premier jeu de rôle que j’ai acheté ? La boîte de L’Appel de Cthulhu, suite au très beau numéro 17 de Casus Belli qui lui avait été consacré. La claque ! C’est le premier jeu de rôle que j’ai mastérisé avec Mega – combien de fois ai-je fait jouer La maison hantée, le premier scénario historique, tellement décrié par les (soi-disant) puristes, mais en fait toujours tellement passionnant pour des débutants. Au gré des idées des différents joueurs et des jets de dés parfois malchanceux, l’histoire n’est en fait jamais la même. Je trouve extraordinaire qu’un canevas comme ce scénario puisse engendrer des développements aussi différents, c’est toute la magie du jeu de rôle où rien n’est figé. Avec le recul, je pense que Descartes a peut-être aussi connu le succès avec ce jeu parce qu’il a sorti, coup sur coup, six suppléments, ce qui faisait qu’on pouvait piocher çà et là dès le début, au gré de nos besoins, entre les courts scénarios du Compagnon ou les immenses de La Malédiction des Chthoniens. À méditer pour les éditeurs : attendre trop longtemps des suppléments étouffe la diffusion d’un jeu – même si je reconnais qu’il faut avoir les reins solides financièrement.
Je suis toujours de L’Appel de Cthulhu, même si je ne force pas sur l’aspect gore possible de ce jeu, mais plutôt sur le mystère et la question des civilisations disparues, puisque j’ai déjà traduit chez Sans-Detour un certain nombre d’ouvrages : Les Ombres de Léningrad, Les Horreurs venues de Yuggoth, les Nouveaux Contes de la Vallée du Miskatonic, les Nouvelles Aventures dans la Région d'Arkham, d’autres en préparation ! Mais c’est tout le hobby qui me passionne, selon le principe énoncé par les anglo-saxons par le What if – Et si ? C’est-à-dire : que se passerait-il (ou se serait-il passé) si... Arriver, de plus, à modéliser la réalité selon des concepts logiques, je trouve cela passionnant.
Le jeu de rôle m’a énormément appris et je dois une partie de ma culture élargie à sa pratique. On le sait bien, pour être un joueur ou un maître de jeu investi, il faut se documenter sur tous les sujets, les approfondir, mais surtout : les comprendre. Certains concepts m’ont même accompagné dans mon développement personnel. Je dois avouer que celui, si souvent décrié, des alignements dans AD&D, c’est-à-dire la déconnection entre la loi et le bien, par exemple, a été pour moi une révélation dans ma jeunesse. Et, bien que je n’aime pas particulièrement les règles d’AD&D, j’ai beaucoup aimé lire et relire les ouvrages qui le composent, car on y trouve presque déjà tout, des réflexions au détour d’une phrase dont on se dit que c’est une synthèse géniale, etc. Gary Gygax est une des personnes que je porte chèrement dans mon cœur car son invention est une des choses essentielles qui m’a aidé à vivre – et à grandir –, en m’ouvrant aux autres et en les comprenant mieux dans leur diversité.
Et puis, comme je l’ai dit, la dimension spirituelle est l’autre pan de ma vie et les grandes questions de l’humanité ne sont pas absentes du jeu de rôle, loin de là, et cela dès les origines malgré un aspect souvent super-héros des divinités du monde de D&D qui me gênent : Dieu – auquel je crois – reste en réalité toujours discret, par respect de la liberté donnée à l’homme.
Sinon, je suis musicien et musicologue à l’université. Je ne repousse pas l’idée pas de composer un jour des musiques pour habiller certains jeux de rôle, puisque je constate avec grand plaisir que c’est un élément qui commence – enfin – à compter. Ceux qui seraient intéressés peuvent d’ailleurs me contacter. J’ai déjà engagé mes étudiants là-dessus et vous pouvez télécharger leurs œuvres sur le site de Sans-Detour.
Cette bio a été rédigée le 27 août 2010. Dernière mise à jour le 10 mars 2014.